De la philosophie à l’IBN ?
Pourquoi enseigner la Pensée contemporaine (philosophie) à l’Institut Biblique ?
Une spécificité du programme de l’IBN passe souvent inaperçue : nous dispensons un cours de philosophie (sous le nom de pensée contemporaine) à nos étudiants. Au cours des années 1960, le professeur Henri Blocher avait introduit à notre programme un survol de l’histoire de la philosophie, avec une attention particulière portée aux penseurs qui ont marqué notre époque. De nombreuses générations d’étudiants ont ainsi pu profiter de ses synthèses éclairantes. Ses successeurs n’ayant pas la même compétence encyclopédique, nous avons fait le choix, depuis cette année, de nous concentrer sur quelques penseurs particulièrement influents.
Au menu : Descartes, Pascal, Kant, Marx, Kierkegaard, Nietzsche, Camus, Foucault, Roland Barthes, Luc Ferry, Achille Mbembe.
Athènes et Jérusalem ?
La sélection des philosophes à étudier est une question épineuse (avis aux lecteurs !). Mais plus fondamentale est la question du pourquoi d’un tel cours dans un institut biblique. Quel avantage, pour un responsable d’Église ou d’œuvre, de connaître la philo ? Et pire : n’est-ce pas faire entrer la pensée du monde dans l’Église ?
Pour répondre à cette interpellation, légitime de prime abord, remarquons déjà que plusieurs des penseurs étudiés étaient des chrétiens convaincus, bien que l’on n’y pense pas de suite quand on entend leur nom : parmi eux, Descartes, Pascal, Kierkegaard. Il peut nous intéresser comment ils cherchaient à exprimer la foi chrétienne à leur époque. Nous pouvons apprendre d’eux, tant de ce qui paraît convaincant dans leur interprétation de la foi que de leurs compromissions éventuelles. Kant est un exemple instructif à cet égard. Il se pensait le sauveur du christianisme face aux assauts de la science moderne. Si son intention est louable, le peu qu’il retient de la foi biblique doit nous avertir du danger qui guette tous ceux qui cherchent à rendre la foi acceptable à l’esprit de leur temps.
Apprendre des penseurs non-chrétiens
Le cours ne se limite pas aux philosophes qui se réclament du christianisme, mais fait une large place à des penseurs non-chrétiens, voire anti-chrétiens. L’étudiant qui est venu à l’Institut pour étudier la Bible n’y trouve guère un intérêt immédiat. La confrontation à leur pensée peut même constituer une épreuve spirituelle. Pourtant, nous ne pouvons pas en faire l’économie.
D’abord, le futur responsable aura dans son Église des lycéens qui suivront les cours de philosophie à l’école. Il devra les aider à réfléchir en tant que chrétien. De plus, comment annoncer l’Évangile de façon pertinente, sans comprendre les idées qui circulent dans notre société ? Ce n’est pas parce que l’on n’a jamais lu une seule ligne des philosophes que l’on n’est pas influencé par eux. Et last, but not least, la grâce commune de Dieu est à l’œuvre même dans les penseurs qui le rejettent. Elle leur permet de discerner certaines vérités, parfois plus clairement que les chrétiens eux-mêmes ne les voient. Ainsi en préparant le cours, j’étais presque choquée de découvrir que les analyses historiques de Foucault sont éclairantes sur plusieurs points (comme le rôle constitutif des relations de pouvoir). Comme les Israélites, au moment de l’exode, nous pouvons « dépouiller les Égyptiens » (Ex 12.36), pour intégrer les vérités apprises des philosophes non-chrétiens dans le cadre plus large de la vision biblique (création – péché – rédemption). Ainsi, nous découvrirons toujours davantage de facettes de notre glorieuse espérance, et apprendrons à mieux à en faire part à nos contemporains.
___________ Lydia Jaeger
Ainsi en préparant le cours, j’étais presque choquée de découvrir que les analyses historiques de Foucault sont éclairantes sur plusieurs points (comme le rôle constitutif des relations de pouvoir). Comme les Israélites, au moment de l’exode, nous pouvons « dépouiller les Égyptiens » (Ex 12.36), pour intégrer les vérités apprises des philosophes non-chrétiens dans le cadre plus large de la vision biblique (création – péché – rédemption). Ainsi, nous découvrirons toujours davantage de facettes de notre glorieuse espérance, et apprendrons à mieux à en faire part à nos contemporains.