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Éclat, instruments entre les mains de Dieu

Le 15 Juin 2023

Éclat, instruments entre les mains de Dieu

Cette année, dans le cadre d’un stage pratique, des étudiants ont créé le groupe Éclat.
Rencontre à 6 voix avec ces jeunes artistes…

De qui le groupe est-il constitué ? Présentez-vous…

Johanna (chant/guitare) : 24 ans, en fin de 3e année.

J’ai toujours fait de la musique, du chant, voire même de la scène, d’où l’idée de création de ce groupe ! J’avoue avoir du mal à ne pas créer de projet ou de passer de trop longues périodes de ma vie sans projet créatif ou artistique. Il y a deux choses qui généralement me font monter les larmes aux yeux : voir des gens donner leur vie à Christ, et transmettre le message de l’Évangile par la scène !

Jocelyn (chant/batterie) :

Toucher les coeurs via la musique, c’est vraiment une grâce ! Ayant passé deux ans sur le Logos Hope avec Opération Mobilisation à travers le monde, j’ai eu l’occasion de faire des spectacles internationaux. Ce fut magnifique ! Je suis heureux de voir que peu importe où le Seigneur me place, il me donne l’occasion d’évangéliser par la musique ! Et aujourd’hui ? Envie de repartir en mission mais apparemment Dieu m’oriente pour l’instant vers un stage pastoral après la fin de mes études…

Hamish (chant/guitare) :

D’origine écossaise et aime beaucoup la France ! J’aime beaucoup la musique et la composition. Composer me permet d’aller plus loin avec Dieu. Cheminer avec le groupe a été une belle aventure car au-delà d’un groupe, on est surtout une bande de bons amis !

Diego (chant, piano, mélodica, batterie) :

24 ans, termine son cursus. Depuis de nombreuses années, je suis sans cesse embarqué dans des tas de projets musicaux parce que ça me fait vibrer. Mais ils ont toujours un sens plus profond quand leur inspiration première est l’annonce de l’évangile ; il n’y a rien de plus beau. Je suis fier d’avoir participé à ce projet qui n’a pas été épargné par les défis mais en parallèle m’a fait grandir. Nous ne sommes que des instruments entre les mains de Dieu.

Fabien (basse) :

29 ans, d’une famille de musiciens. J’ai toujours eu un lien avec la musique depuis tout petit, mais ce n’est qu’il y a 3 ans, après ma conversion, que j’ai cherché à en faire. La basse étant intuitive pour moi, j’ai décidé de la mettre au service de Dieu, d’abord dans mon Église, puis dans ce groupe de musique. C’est une joie de participer à ce beau projet.

Thomas (manager) :

23 ans, originaire de Vendée, termine sa 2e année. J’aime organiser, c’est donc assez naturellement que le groupe est venu me voir pour intégrer ce projet. J’ai beaucoup apprécié faire le lien entre ce groupe et les Églises. Il y avait un véritable engouement, avec des personnes motivées à annoncer Christ. Magnifique et vraiment encourageant !

Qui est à l’initiative du groupe ? Et pourquoi ce nom ?

Johanna :

Je suis l’initiatrice de ce groupe.

Après en avoir parlé à quelques personnes (celles que l’on retrouve dans le groupe), et constaté qu’elles étaient intéressées, nous avons décidé ensemble de nous lancer dans cette aventure. Une aventure folle !

Le nom du groupe a été à difficile à trouver, mais nous étions tous d’accord sur un point : nous voulions à la fois renvoyer l’idée que nous voulions transmettre les éclats d’une lumière qui ne nous appartient pas (être la lumière du monde), tout en parlant de notre diversité.

Pouvez-vous en quelques mots nous dire comment se passe la création d’un chant ? Qui écrit, qui compose ?

Johanna :

Je pense que la création d’un chant est vraiment un processus différent pour chacun et parfois même, différent pour chaque chant. Dans le cadre de notre groupe – et c’est aussi ce qui fait notre spécificité – c’est que chacun a composé ses propres chants, nous n’avons pas composé ensemble.

Jocelyn :

J’ai composé mon premier chant (Confession) à la suite du stage chorale que nous avions eu avec Denisa. J’ai tout simplement voulu mettre en musique les questionnements fréquents qui parfois m’éloignaient de Dieu.

Pour le deuxième (Un Sauveur pour tous), c’est dans un temps de louange que la mélodie m’est d’abord venue, les paroles sont venues ensuite, mais une chose était certaine : je voulais clairement y annoncer l’évangile.

J’ai composé deux chants dans ma chambre ensuite . un temps de prière. (Le coeur d’un homme brisé et De l’Est à l’Ouest). Le premier fait écho à mon parcours de vie. Je me suis inspiré aussi des Psaumes. Le second parle de ma recherche de Dieu en tant que non chrétien et également de mes voyages autour du monde en tant que missionnaire suite à ma conversion. L’équipe a instrumentalisé mes deux chants ; un beau travail d’équipe !

Diego :

J’avais déjà composé plusieurs chants mais je les gardais pour moi parce que je n’assumais pas particulièrement cet aspect de ma créativité. Je me suis toujours “caché derrière mon piano” et je ne me présentais jamais comme un chanteur, encore moins comme un parolier. Le groupe m’a permis de mettre en forme deux chants (Tu restes encore le même et Toujours à mes côtés) et j’en suis très reconnaissant. J’ai aussi composé deux autres chants pour les besoins spécifiques des concerts, par exemple un arrangement du célèbre single Papaoutai de Stromae. J’y ai changé les paroles pour leur donner un sens nouveau et modifier les accords pour créer une atmosphère plus méditative. C’est à la fois un hommage à un artiste que j’admire mais aussi un concentré de questionnements sur la vie, Dieu et sa destination finale. La chanson s’appelle : Dis-moi d’où je viens.

Fabien :

J’ai composé l’interlude musical après mon témoignage. Je voulais qu’il y ait un moment d’introspection pendant le concert. La musique n’est qu’un déplacement d’air qui arrive jusqu’à nos oreilles. Mais ce qui est fou, c’est que Dieu a fait en sorte que ces ondes ne s’arrêtent pas là, elles vont jusqu’au cœur des personnes qui écoutent. Cela atteint à la fois, l’intellect et les émotions. Un combo qui fait des miracles ! C’est le défi que je m’étais fixé en composant cet interlude.

Une anecdote à propos d’un concert…

Lors du concert à Champs-sur-Marne, concert qui d’ailleurs en termes de performance était le moins bon… alors que nous commencions une discussion sur les erreurs que nous avions commises, une personne responsable de l’organisation est venue nous voir. Nous avons commencé par prier ensemble, remercié le Seigneur pour cette soirée, puis elle nous a annoncé une nouvelle qui nous a ôté les mots de la bouche : une femme avait accepté Jésus dans sa vie ! Quelle grâce !

Objectif du groupe ? Vers l’extérieur / Pour vous perso

Le but du groupe était clair pour chacun d’entre nous : partager l’Évangile par le biais de la musique. Pour ce qui est des aspects personnels, pour certains d’entre nous il était aussi question d’expérimenter la composition, de vivre une expérience dans un groupe musical et de pouvoir vivre le fait d’être un témoignage par ce biais.

Comment cela s’articule-t-il avec vos études ?

Il est vrai que les études à l’IBN sont très prenantes. Nous rajouter ce projet (compté comme 3 semaines de stage) n’était clairement pas la meilleure idée pour notre sommeil et notre charge mentale. Quand nous étions dedans, cela pouvait parfois sembler trop lourd. Mais nous nous en sommes remis à Dieu. Il nous a aidés et a renouvelé nos forces de nombreuses fois. Avec le recul, nous pouvons dire que même s’il n’a pas été facile de concilier Éclat et études, cela en valait la peine !

Pour les concerts, en 2 mots, comment ça se passe… (qui invite, quel public, quelle fréquence ?)

Éclat propose un concert d’évangélisation clé en main. Nous arrivons avec nos instruments et notre matériel (son et lumière). Nous proposons également une affiche pour faciliter la communication. Ensuite, cela devient le projet de l’Église. Elle est libre de faire une campagne d’évangélisation avec ce concert en point final. Elle peut aussi décider de faire un concert où il revient à chaque membre de l’Église d’inviter un ami non chrétien. Nous laissons la totale liberté aux Églises. Cependant, nous les invitons à prévoir une collation à la fin des concerts pour avoir le temps de discuter avec les personnes qui découvrent l’Église et qui seraient intéressées pour y revenir.

_________PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-JOSÉ MARÉ

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La foi comme une graine de moutarde

Le 13 Avril 2023

La foi comme une graine de moutarde

par Sylvain Romerowski

L’auteur vous invite à lire au préalable les textes suivants. Marc 9.14-29 ; dans l’évangile de Matthieu, la fin du récit est un peu différente : Matthieu 17.19-20. Puis Matthieu 21.18-22, et Luc 17.5-6. Vraiment, je vous l’assure, si vous aviez de la foi, même si elle n’était pas plus grosse qu’une graine de moutarde, vous pourriez commander à cette montagne : Déplace-toi d’ici jusque là-bas, et elle le ferait. Rien ne vous serait impossible.

Lorsque j’étais enfant, j’ai lu dans une brochure l’histoire d’une petite fille qui se trouvait en vacances avec sa famille dans un chalet à la montagne. De la fenêtre de sa chambre, elle pouvait voir le versant de la montagne s’élever. Un soir, après avoir lu dans la Bible l’un des textes (en tout début d’article), avant de se coucher, cette petite fille a prié que la montagne ne soit plus là le lendemain matin. Le lendemain, à son réveil, elle s’empresse de se lever, d’ouvrir la fenêtre de sa chambre, puis les volets, et elle s’écrie : « Ah, je savais bien que la montagne serait encore là ! » La manière dont cette histoire était racontée suggérait que la montagne ne s’était pas déplacée parce que la petite fille n’y avait pas cru. Mais est-ce aussi simple que cela ? On connaît divers cas de chrétiens qui, atteints d’une très grave maladie, ont acquis la certitude que Dieu allait les guérir. Leur conviction était si forte qu’ils ont refusé tout traitement médical. Est-ce là la foi dont Jésus parle dans les textes ci-dessus ? Dans bien des cas, la guérison escomptée n’est pas venue et ces chrétiens, persuadés que Dieu allait les guérir, sont décédés quelques temps plus tard. Nous avons tous, à un moment ou un autre, prié pour une délivrance, ou demandé à Dieu d’intervenir pour répondre à un besoin légitime, sans que l’exaucement ne vienne. Alors, les promesses de Jésus ne valent-elles rien de plus que ces promesses électorales de nos hommes politiques qui n’engagent que ceux qui les reçoivent ?

Non. Ces promesses ne sont pas de la langue de bois. Preuve en est que Jésus, lorsqu’il les prononce, vient lui-même d’accomplir un miracle : l’exorcisme, et la malédiction du figuier. Jésus déclare simplement que ce qu’il vient de faire est possible pour celui qui a la foi. Et d’autres que Jésus en ont fait l’expérience : l’épître aux Hébreux évoque ces héros de la foi qui ont obtenu des délivrances ou accompli des exploits par la foi (Hé 11.32-35a). Et dans le récit de Marc 9, Jésus fait bien comprendre à ses disciples que c’est par manque de foi qu’ils n’ont pas pu chasser le démon. S’ils avaient exercé la foi, ils auraient pu le faire. C’est bien un défaut de foi qui est la cause de leur échec. Mais d’autres exemples dans l’Écriture semblent enseigner autre chose. Lorsque le roi Hérode a entrepris de persécuter les premiers chrétiens, il a fait tuer l’apôtre Jacques. Puis il a fait arrêter l’apôtre Pierre avec, à son égard, la même intention (Ac 12). On sait comment un ange a délivré Pierre alors que l’Église était en prière pour lui. Cela veut-il dire que Pierre a eu la foi et pas Jacques ? Mais Pierre n’y croyait pas. Alors que l’ange le faisait sortir de prison, Pierre croyait que les choses se passaient en vision. L’Église qui priait pour lui n’y croyait pas non plus. Car lorsque Pierre s’est présenté à la maison où se tenait la réunion de prière et qu’il a frappé à la porte, on n’a pas voulu croire la servante qui informait que c’était Pierre. Il serait donc erroné de dire que c’est la foi qui a fait la différence entre Pierre et Jacques. Dans la suite du texte de l’épître aux Hébreux mentionné plus tôt, une deuxième catégorie de héros de la foi est citée (Hébreux 11.35b-39a). Ce passage montre qu’il nous faut nous garder d’une lecture simpliste des promesses de Jésus. Comme s’il suffisait d’y croire pour que cela marche. Comme si plus fort je croyais que Dieu va exaucer ma prière, plus cela allait se produire. Il en faut de la foi pour être délivré de manière extraordinaire. Il faut aussi beaucoup de foi pour vivre l’épreuve sans voir la délivrance, tout en restant attaché à Dieu. L’apôtre Paul, qui n’a pas été délivré, malgré des prières réitérées, de ce qu’il nomme son écharde dans la chair, va jusqu’à déclarer que l’épreuve, lorsqu’elle est vécue avec persévérance, affermit la foi ou l’espérance (Rm 5.3-4).

Donc la foi peut voir des choses extraordinaires, mais cela ne se passe pas toujours de cette façon. Ces dernières considérations ont tout de même l’air de contredire la parole de Jésus : Si vous avez la foi, si vous ne doutez pas… si vous dites à cette colline : « Soulève-toi de là et jette-toi dans la mer », cela se fera. Si vous priez avec foi, tout ce que vous demanderez, vous l’obtiendrez. (Mt 21.22-23). Nous devons donc encore nous efforcer de comprendre ces textes.

LA MALÉDICTION DU FIGUIER

Dans le récit de la malédiction du figuier, Jésus répond à l’étonnement de ses disciples. Ceux-ci s’étonnent devant le caractère extraordinaire de cet événement. Dans sa réponse, Jésus souligne que cela n’est pas si étonnant. C’est à leur portée ; ils ont aussi la possibilité d’accomplir chose semblable. Ce propos est une manière de faire ressortir que les disciples manquent encore de foi : c’est ce que traduit leur étonnement.

Donc Jésus leur déclare qu’ils peuvent accomplir des choses extraordinaires. L’exemple qu’il prend, dire à une colline de se soulever et de se jeter dans la mer, est une manière de parler pour souligner les possibilités ouvertes à qui a la foi. Ce n’est pas à prendre littéralement, mais c’est une image pour évoquer ce qu’il y a de plus extraordinaire. Mais dire que cela est possible ne signifie pas que les disciples doivent le faire. Jésus ne leur déclare pas cela pour qu’ils s’amusent à déplacer les montagnes, pour voir ; ni pour qu’ils s’attendent à vivre en permanence des événements extraordinaires.

Car si Jésus a effectué de nombreux miracles, il n’en a pas toujours fait. Lors des quarante jours passés dans le désert, le diable lui a suggéré d’accomplir plusieurs miracles, mais Jésus a refusé. Lorsque les Israélites lui ont demandé un signe, il a refusé. Jésus a toujours refusé l’extraordinaire pour lui-même, le miracle gratuit.

Mais, dira-t-on, n’a-t-on pas un contre-exemple avec ce que Jésus vient d’accomplir ? Car quoi de plus gratuit que la malédiction du figuier ? En réalité, ce geste de Jésus n’était nullement gratuit : il était lourd de signification. Il faut le comprendre à la lumière de l’Ancien Testament où Israël est comparé à un arbre ou une vigne qui ne porte pas de fruits, ce qui lui vaudra le jugement (p. ex. És 5.1- 7). Un peu plus loin dans le récit de Matthieu, Jésus déclare en effet : Les collecteurs d’impôts et les prostituées vous précéderont dans le royaume de Dieu. En effet, Jean est venu, il vous a montré ce qu’est une vie juste, et vous n’avez pas cru en lui – tandis que les collecteurs d’impôts et les prostituées ont cru en lui. Et, bien que vous ayez eu leur exemple sous vos yeux, vous n’avez pas éprouvé les regrets qui auraient pu vous amener enfin à croire en lui. (Mt 21.31-32). Et un peu plus loin encore : le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à un peuple qui en produira les fruits. (Mt 21.43). Ainsi, la malédiction du figuier était un signe pour le peuple qui se disait peuple de Dieu sans porter les fruits de l’obéissance à Dieu, et qui allait rejeter Jésus. C’était un signe de jugement. Jésus voulait donc enseigner quelque chose à partir de la malédiction du figuier. Mais les disciples se sont arrêtés à l’acte qui les a étonnés et ils n’ont pas cherché la signification de ce geste. Alors leur étonnement a conduit Jésus à ce propos sur la foi, qui laissait de côté la signification du geste, avant d’y revenir par la suite. 

Ceci pour dire que Jésus n’a jamais eff ectué de miracle gratuitement. Et s’il déclare à ses disciples que s’ils ont la foi, ils pourront faire de même, c’est pour répondre à leur étonnement, et non pas pour les encourager à faire n’importe quoi.

DE QUELLE NATURE EST LA FOI DONT JÉSUS PARLE ?

Le point suivant concernera la nature de la foi dont Jésus parle. Car dans le texte de Luc, Jésus corrige une mauvaise conception de la foi. En demandant à Jésus d’augmenter leur foi, les disciples montrent qu’ils considèrent la foi comme un pouvoir. Ils pensent que plus la foi est grande, plus ce pouvoir est grand. La foi est pour eux comme une baguette magique. La réponse de Jésus prend le contrepied de cette conception. Ce n’est pas la quantité de foi qui compte, mais sa réalité. Il suffit d’une foi grosse… comme une graine de moutarde, une des graines les plus petites.

Si la foi était un pouvoir, alors tout dépendrait de la quantité de foi que l’on a. Mais la foi n’est pas un pouvoir que nous aurions à notre disposition et dont nous pourrions user à notre guise.

Si la foi peut voir des montagnes se déplacer, ce n’est pas parce qu’elle serait puissante en elle-même, mais c’est parce que Dieu est tout-puissant. C’est Dieu qui opère des miracles, pas notre foi. Dieu est toutpuissant quelle que soit la quantité de foi que nous avons. C’est pourquoi la quantité importe peu. Ce qui importe, c’est que cette foi existe, c’est que nous ayons foi en Dieu, et Dieu fait le reste. La foi n’est pas un pouvoir. La foi est confiance en un Dieu tout-puissant. Dieu peut agir, même si notre foi est petite, défaillante. (Ce qui n’empêche pas que notre foi soit appelée à grandir, à s’affermir ; 2 Th 4.3).

Par sa réponse à ses disciples, Jésus veut les amener à détourner les yeux de leur foi pour regarder à Dieu en qui ils croient.

Croire, ce n’est pas disposer d’un pouvoir, mais c’est compter sur Dieu. Il y a un danger réel, qui consiste à mettre sa confiance en sa foi, au lieu de la mettre en Dieu. C’est ce qui arrive lorsque quelqu’un s’imagine que, plus il croit qu’il va obtenir quelque chose, plus il a de chances de l’obtenir. On fait alors de la foi un moyen de pression sur Dieu : « Si je parviens à y croire suffisamment, Dieu le fera ». Comme si les chrétiens cités en exemple n’ont pas été guéris, c’est parce que leur guérison n’était pas dans le plan de Dieu. La foi, c’est aussi très souvent vivre l’ordinaire dans la confiance à Dieu.

Le chant intitulé « Bénis l’Éternel mon âme » (J’aime l’Éternel n° 383) contient cette affirmation : « Il [Dieu] dit que ta foi déplacera toutes les montagnes ». Mais où trouve-t-on une telle affirmation dans l’Écriture ? Il y a là deux erreurs. D’une part, Dieu n’a jamais promis que toutes nos montagnes seraient déplacées. D’autre part, on note que dans aucun des textes, Jésus n’emploie la formule « la foi déplace les montagnes ». Car ce n’est pas la foi qui, telle une baguette magique, ou telle un pouvoir, déplace les montagnes. C’est Dieu qui déplace les montagnes, et il déplace les montagnes qu’il décide, lui, de déplacer. Alors je propose une modifi cation des paroles du chant ci-dessus : « Mets en lui ta foi, car Dieu peut déplacer les montagnes »

LE RÉCIT DE L’EXORCISME

Le récit de l’exorcisme peut encore éclairer le propos de Jésus en Luc. Dans ce récit, les disciples demandent pourquoi ils n’ont pas pu chasser le démon et délivrer l’enfant. Jésus leur reproche d’être des hommes de peu de foi. Que veut-il dire par là ? Que ses disciples n’avaient pas assez de foi ? Que leur conviction n’était pas assez forte ? Certainement pas, car cela contredirait sa parole rapportée par Luc. Et le texte de Matthieu l’indique aussi puisque Jésus déclare qu’ils auraient chassé le démon s’ils avaient eu de la foi pas plus grosse qu’une graine de moutarde (Mt 17.20). Quand Jésus leur dit qu’ils sont des hommes de peu de foi, il ne veut pas dire que leur foi n’est pas assez grande, mais c’est une litote pour dire : « Vous n’avez pas eu la foi », ou plutôt : « Vous n’avez pas exercé la foi ». Ce n’est pas une question de quantité : une foi grosse comme une graine de moutarde aurait suffi . La plus infi me parcelle de foi aurait suffi . Le problème n’est pas que leur foi était trop petite, mais qu’ils n’ont pas exercé la foi.

Que s’est-il passé ? Précédemment, les disciples avaient été les instruments de miracles et de délivrances de personnes sous l’emprise de démons. Ceci les avait conduits à penser qu’ils détenaient un pouvoir. Et ils comptaient sur ce pouvoir qu’ils croyaient posséder en eux-mêmes. Ils comptaient sur leurs capacités propres, ils avaient mis leur confiance en leur propre pouvoir. Ils étaient trop sûrs d’eux, au lieu de faire confiance à Dieu. Ils avaient oublié que c’est Dieu qui opère le miracle et que c’est dans la dépendance par rapport à Dieu qu’ils pouvaient agir.

La réponse que leur adresse Jésus selon l’évangile de Marc le démontre : « Cette sorte de démon ne sort que par la prière ». Nous prions lorsque nous sommes conscients d’un besoin pour demander à Dieu d’y répondre, nous prions lorsque nous sommes conscients de notre insuffisance, de notre faiblesse, de ce que nous n’y arriverons pas seuls, ou par nous-mêmes. Les disciples n’avaient pas prié : ils croyaient pouvoir se suffi re à eux-mêmes, sans faire appel à Dieu. Ils n’avaient pas exercé la foi à ce moment-là. La foi véritable est dépendance de Dieu, et non pas pouvoir à notre disposition.

L’attitude du père de l’enfant sous l’emprise d’un démon fait contraste avec celle des disciples. Il implore Jésus : « Si tu peux faire quelque chose, aie pitié de nous et viens à notre aide ! » (Mc 9.22). Le père est sans doute échaudé par l’échec des disciples, d’où le « si tu peux ». Les disciples n’ont pas pu ; Jésus pourra-t-il ?

Jésus lui fait alors le même genre de réponse qu’aux disciples : « Si tu peux ? Tout est possible à celui qui croit ! »

La réponse du père est remarquable. Aussitôt il s’écrie : « Je crois…, mais aide-moi, car je manque de foi ! » Il a une petite foi, fragile, vacillante, mêlée de doute. Mais une foi réelle : il s’en remet à Jésus. Une foi lucide, consciente de sa faiblesse. Ce n’est pas une conviction inébranlable, mais une foi qui le pousse à faire appel à Jésus et à s’en remettre à lui. Il a la volonté de s’en remettre à Jésus. Et c’est cette foi-là qui obtient l’exaucement. Une foi dépouillée de toute prétention, sans grande assurance, mais authentique dans sa petitesse. Car ce qui fait la foi, ce n’est pas la force de conviction, mais le fait de s’en remettre totalement à Jésus et d’attendre tout de lui. C’est cette foi là qui reçoit l’exaucement. Et alors, il est bien évident que la délivrance vient, non pas à cause des ressources de cet homme ou de la grandeur de sa foi, mais de Dieu.

La foi est dépendance de Dieu ; la foi regarde à Dieu, non à soi, non à elle même ou à son degré de conviction.

Mais Jésus ne dit-il pas : « Si vous avez la foi, si vous ne doutez pas » (Mt 21.21) ? Et en s’exprimant ainsi, ne met-il pas l’accent sur la conviction qui doit accompagner la foi ? Certes, mais attention. Le doute dont il parle est doute concernant Dieu, et non pas doute concernant notre foi. Le père de l’enfant tourmenté par un démon doutait de sa foi, mais il a exercé la foi en s’en remettant à Jésus. En implorant son secours, il a montré qu’il avait confiance en Jésus, même si cette confiance était faible.

PIERRE MARCHE SUR L’EAU

Un autre récit de Matthieu peut apporter un éclairage supplémentaire. Celui qui relate la marche de Pierre sur l’eau (Mt 14.29-30). Pierre, dans le bateau sur le lac, voit Jésus venir en marchant sur l’eau. Il lui fait alors cette demande : « Si c’est bien toi, Seigneur, ordonne-moi de venir te rejoindre sur l’eau. » Voilà bien une demande téméraire, inconsidérée. Mais Jésus accède à cette demande. Ce sera l’occasion de donner à Pierre une bonne leçon… Il lui dit : « Viens ». Et Pierre, l’impétueux, sort du bateau et se met à marcher sur l’eau. Mais regardant autour de lui, considérant le vent et les eaux du lac agitées, il prend peur et commence à s’enfoncer. Son erreur est d’avoir cessé de regarder à Jésus pour regarder à la tempête.

La question qui importe n’est pas celle de la force de conviction. La vraie question est la suivante : Estce que nous regardons à Christ ou pas ? Est-ce que nous exerçons la foi en Christ, si petite soit-elle, ou pas ? Alors qu’il a cessé de regarder à Jésus pour considérer les circonstances, la tempête qui sévissait, Pierre a cessé d’exercer la foi.

FOI, DOUTE ET CONVICTION

Le doute peut aussi surgir lorsque nous cessons de regarder à Jésus pour nous interroger sur notre foi ; lorsque nous regardons à notre foi au lieu de regarder à Jésus. Nous interroger sur notre foi peut nous faire cesser de mettre en œuvre la foi. Et dans le cas de l’échec des disciples face au démon qui tenait l’enfant sous son emprise, le problème est que les disciples ont compté sur leur pouvoir, au lieu d’exercer la foi en Dieu. Ce qui importe n’est pas le degré de ma conviction, mais le fait d’exercer la foi en Dieu, si petite soit cette foi. L’échec intervient lorsque l’on cesse d’exercer sa foi en Dieu. Pour mettre sa foi en Jésus, une certaine conviction est nécessaire. Il faut que je crois en lui, un minimum, pour me confier en lui. Mais la foi, c’est plus qu’être convaincu. C’est lui faire confiance, s’en remettre à lui, dépendre de lui. Et pour cela, il faut le vouloir. Le père de l’enfant a voulu faire confiance à Jésus, même si son degré de conviction était faible.

LA FOI EST SOUMISSION À LA VOLONTÉ DIVINE

Donc, nous l’avons vu, la foi ne consiste pas à faire pression sur Dieu, à lui imposer notre volonté. La foi est dépendance de Dieu. La foi, c’est chercher la volonté de Dieu et non la nôtre. Prier avec foi, c’est prier selon ce que nous connaissons de la volonté de Dieu, c’est prier avec soumission à la volonté de Dieu. Vues de la sorte, les promesses de Jésus ne constituent pas un encouragement à demander n’importe quoi. Nous n’allons pas demander à telle montagne de se déplacer pour voir si cela marche.

Jésus a maudit le figuier parce qu’il avait foi en Dieu ; mais aussi, il a accompli ce geste dans la mesure où c’était la volonté de son Père qu’il le fasse. S’il a par contre refusé d’accomplir les miracles suggérés par le Tentateur, c’est parce qu’il savait que ce n’était pas la volonté de Dieu qu’il les accomplisse.

Ce que Jésus nous enseigne, c’est que notre foi verra des choses extraordinaires lorsque cela fera partie du plan de Dieu. Et lorsque Dieu nous confie une tâche, un projet, nous pourrons les réaliser si nous lui faisons confiance. Ne pas exercer la foi peut conduire à l’échec. Mais Dieu réalisera ses desseins en nous et en se servant de nous si nous lui faisons confiance.

Nous avons à cet égard l’exemple de Jésus, celui des héros de la foi d’Hébreux 11, celui des apôtres eux mêmes. Et l’histoire de l’Église est pleine de montagnes déplacées d’accomplissements qui paraissaient impossibles à vues humaines.

Par ses promesses, Jésus nous encourage à la foi, et non pas nécessairement à accomplir des choses extraordinaires, non pas à demander n’importe quoi. Il veut dire que si nous marchons selon la volonté de Dieu, si nous entrons dans les projets de Dieu, et si nous lui faisons confiance, nous le verrons agir, répondre aux prières d’une manière ou d’une autre, intervenir.

Parfois, nous pouvons nous tromper dans ce que nous demandons à Dieu. Notre demande peut être à côté de sa volonté. Nous ne savons pas toujours ce qu’il convient de demander (Rm 8.26). On peut se tromper en étant convaincu. C’était le problème de ces chrétiens qui s’étaient persuadés que Dieu allait les guérir et qui ont refusé tout traitement médical. Ce n’est pas qu’ils n’avaient pas la foi, mais qu’ils se sont trompés sur la volonté de Dieu. Cette conviction qu’ils avaient n’est pas la foi.

Il nous faut souvent avancer à tâtons, ou sans savoir précisément ce que Dieu tient en réserve pour nous, ce qu’il accomplira. Mais si nous lui faisons confiance, si animés de cette confiance nous marchons sur le chemin qu’il trace pour nous, nous le verrons agir et intervenir pour nous mener au but.

La question est donc la suivante : Est-ce que nous voulons lui faire confiance ?

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Sur « Dieu et sa Parole »

Le 1 Février 2023

SUR « DIEU ET SA PAROLE »

par Henri Blocher

Deux traits caractéristiques du « florilège » me semblent intéressants à commenter. Il y a l’association des deux thèmes annoncés dès le titre : l’ouvrage contient d’abord un paquet d’études ressortissant à la doctrine de Dieu, en particulier de la Trinité ; la deuxième moitié en offre un autre sur l’Écriture, Parole de Dieu. Les deux vont bien ensemble, et je vais dire pourquoi. D’autre part, le lecteur habitué à mes livres de vulgarisation peut être surpris par le genre académique d’à peu près tous les textes proposés. Ils sont, la plupart, issus d’exposés présentés lors de colloques théologiques, et recourent à une certaine « technicité ».
J’y dépense beaucoup d’énergie à dialoguer, discuter, avec des théologiens qui n’adhèrent pas tous à la « saine doctrine ».
Le lecteur pourrait s’impatienter. Quelques explications et considérations seront, j’espère, utiles.

Doctrine et parole de Dieu

Le lien entre la doctrine de Dieu et celle de sa Parole s’impose avec évidence : par la Parole qu’il nous a donnée, qu’on peut aussi appeler sa « révélation », nous accédons à la connaissance de Dieu. Parce qu’il nous a parlé de lui-même, nous parlons de lui – y compris intérieurement, c’est-à-dire pensons. Calvin faisait ressortir cette corrélation : il répétait volontiers que Dieu est le seul « témoin idoine de soi »2, avec cette exhortation : « ne mettons point en notre cerveau de chercher Dieu, sinon en sa Parole, de penser de lui sinon étant guidés par elle, et n’en rien dire qui n’en soit tiré et puisé »3. Ou encore : « nous désapprenons de bien parler quand nous ne parlons point selon Dieu »4. C’est la logique de Paul en 1 Corinthiens 2.10-13 : de même que les secrets personnels ne sont connaissables que par la déclaration de la personne, les secrets de Dieu ne nous sont accessibles que par son Esprit – l’Esprit qui en enseigne les mots mêmes aux apôtres (v.13) ; grâce à cette médiation, nous avons la pensée/ intelligence (noûs) du Christ (v.16).

Il faut cependant affiner

À partir de la conviction commune des confessions chrétiennes selon laquelle l’Écriture est Parole de Dieu, les Réformateurs ont appliqué, comme la règle à suivre en théologie, « science de Dieu », le principe dit « formel » [quasi mot d’ordre, voire slogan] sola Scriptura, « par l’Écriture seule »5. Le corollaire semble être que la voie biblique est la seule qui conduise à la connaissance de Dieu. La position catholique romaine, indépendamment du rôle de la tradition (c’est un autre débat), diverge ici expressément. Saint Thomas d’Aquin enseigne que la raison, sans l’aide de la révélation, peut accéder à une première série de vérités sur Dieu, à l’exclusion des « mystères » : son existence, son unicité, ses attributs6 ; Thomas concède, il est vrai que peu y parviennent – il faut du temps et se mêlent beaucoup d’erreurs7. Le Premier Concile du Vatican en a fait une vérité de foi (!), avec lourde insistance : « Si quelqu’un dit que le Dieu unique et véritable, notre créateur et Seigneur, ne peut pas être connu avec certitude, à partir des choses créées, par la lumière naturelle de la raison humaine : Qu’il soit anathème ! »8. Cette possibilité est dite de la « théologie naturelle ».
Les catholiques s’accrochent au rocher inébranlable de Romains 1.18ss, qui affirme en effet une connaissance de Dieu, de sa puissance éternelle et de sa divinité, à partir de la création, perçue par l’intelligence (v.20 : noouména, « intelligées »), une connaissance présente dans l’humanité. Leur intention est celle de l’apôtre : montrer les négateurs inexcusables – à l’impossible nul n’est tenu. S’il était impossible aux humains de connaître Dieu, raisonnent les thomistes et autres catholiques, leur culpabilité à cet égard se dissoudrait aussitôt. Dans la ligne de la Réforme, on trouve les moyens de rétorquer : la connaissance dont parle Paul est « retenue » , comme prisonnière (verbe katéchein, v.18), dans l’injustice ; elle dégénère immédiatement en folie (v.22) ; elle n’est plus présente que sous la forme de vaines pensées et d’un coeur enténébré (v.21). Romains 1.18ss n’ouvre pas la perspective d’une théologie naturelle selon la vérité, mais dénonce une théologie naturellement idolâtrique. Les catholiques montrent ici aussi qu’ils sous-estiment le péché et ses effets. Ils ne tiennent pas assez compte de l’obscurcissement de l’intelligence (Ep 4.18), de l’incapacité de l’homme naturel ou de la « chair » (psuchikos, qui n’a pas reçu le Saint-Esprit, 1 Co 2.14 ; sarx, Rm 8.7) quant aux choses de Dieu, de la nécessité de la « crainte de YHWH » pour avoir une raison saine (Ps 111.10 ; Pr, passim). À partir de ce dernier accent, une tradition qui se réclame de saint Augustin et se précise chez Abraham Kuyper et ses disciples souligne qu’il est illusoire et pernicieux d’attribuer à la raison autonomie et neutralité religieuse.

L’intelligence ne peut fonctionner dans le vide : elle procède d’une orientation préalable, reçoit le cadre et les critères dont elle a besoin, un schéma d’organisation du réel qui est l’embryon d’une vision du monde. C’est peut-être ce qu’a en vue Éphésiens 4.23 sous l’expression d’« esprit de l’intelligence ». En tout cas, c’est la disposition du coeur, source première dans la vie humaine (Pr 4.23), et la pensée. Sans changement de cette disposition, changement qu’évoque aussi la métaphore du coeur de pierre changé en coeur de chair (Ez 36.26), la vérité de Dieu subit forcément une grave déformation. Seule la Parole qui nous est parvenue comme Écriture Sainte nous fait connaître Dieu en vérité.

Deux considérations valent pour prévenir les malentendus

En premier lieu, l’incapacité de l’homme naturel est celle du péché, seulement du péché. Ce n’est pas la perte d’une faculté au sens d’organe, mais un blocage dans l’usage des facultés, logé dans le vouloir. L’être humain pourrait s’il voulait, mais il ne peut pas parce qu’il ne veut pas : auto-prisonnier de son orgueil (Rm 1.22), de son goût pour le mensonge, de sa paresse… Et c’est pourquoi son incapacité n’abolit pas sa responsabilité. L’incapacité n’est pas « métaphysique » , affectant l’être/essence de l’humain, mais « éthique », relative à son comportement, ce qui inclut la relation à Dieu (ainsi Cornelius Van Til). Pour employer un langage plus imagé : l’homme naturel est sourd à la voix de Dieu, ce n’est pas qu’on lui ait coupé les oreilles – simplement, il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’homme naturel est aveugle, ce n’est pas la perte de la faculté de voir – « Si vous étiez aveugles, dit Jésus, vous n’auriez pas de péché » (Jn 9.41) – c’est la prétention de voir par soi-même qui l’aveugle. Comme le péché lui-même, l’incapacité qu’il comporte se laisse cerner mais garde une opacité mystérieuse pour l’intelligence : elle est étrangère à la bonne création de Dieu, pour laquelle notre intelligence a été faite, elle est « autre » que les plus et moins (de capacité) qui appartiennent à l’harmonie du commencement. 

Même quand on pratique une telle récupération, le reste de connaissance de Dieu discerné est attribuable à la Parole de Dieu. Non pas à la Parole de Dieu biblique, mais à la Parole de Dieu que relaie la création (Ps 19.2-5). L’attestation de Dieu par ses oeuvres équivaut à un langage. S’il faut résister à l’idée de théologie naturelle (véridique), l’orthodoxie.

En deuxième lieu, ne pas négliger la grâce commune. La grâce commune est celle dont Dieu fait bénéficier tous les humains, même rebelles et réprouvés (Mt 5.45 ; Ac 14.17) : elle « freine » le péché sans régénérer. Cette grâce permet aux pécheurs de faire des oeuvres relativement bonnes, d’atteindre cette « justice civile » dont parlaient les Réformateurs. Elle limite la déformation pécheresse de la vérité de Dieu telle que la détient/retient l’homme naturel. En celui-ci, la situation est donc fort complexe : « ce qu’on peut connaître de Dieu », attesté par ses oeuvres, correspond au « sens de la divinité » implanté en tout être humain selon Calvin ; puis se mêle intimement le refus de rendre gloire à ce Dieu tel qu’il est, et le rabattage du « sens » sur la créature (idolâtrie, plus ou moins subtile) ; en outre, l’opération de la grâce commune limite les effets de ce refus pécheur. Il en résulte que le pécheur peut, parfois, adopter des vues qui ne sont pas reconnaît une révélation naturelle, ou « générale », les notions de révélation et de Parole se recouvrant pour l’essentiel. Comme la révélation spéciale, Parole de Dieu scripturaire (prophético-apostolique) use du langage humain et que celui-ci se constitue dans l’humanité par le commerce avec la création, il apparaît que la révélation spéciale présuppose la révélation naturelle/générale. La capacité du langage à servir à la communication de Dieu n’est pas indépendante du caractère originel de la création : révélation ou Parole de Dieu.

Un pas de plus

Si toutes les choses venues à l’existence sont des moyens par lesquels Dieu nous parle, c’est qu’elles ont été elles-mêmes formées par la Parole. Le message du Prologue de Jean le proclame. Pour les stoïciens, la cohésion et la consistance du cosmos étaient assurées par le Logos, Raison divine : le vrai Logos, conjoignant les sens de Raison et de Parole, est celui qui est venu en chair. Jésus est la Parole dans un sens suréminent (sans affaiblir l’usage du titre pour les actes de langage recueillis dans l’Écriture). Calvin a su le dire : « [B]ien que toutes les révélations issues de Dieu soient à bon droit intitulées sa Parole, encore faut-il toutefois mettre en degré souverain cette Parole essentielle, qui est la source de toutes les révélations »9. La Parole essentielle (Logos) à la fois se distingue de Dieu et elle est Dieu. L’association Dieu/sa Parole se découvre ainsi intérieure à la doctrine de Dieu même : impliquée par le mystère de la Trinité (Jean 1.1 et 1.18), dont s’occupent plusieurs des essais du recueil Dieu et sa Parole.
Que Dieu ait en lui-même sa Parole, qu’il se différencie sans porter atteinte à son unité absolue de Dieu unique, suscite une méditation infinie. Il s’oppose ainsi aux idoles muettes selon l’apôtre (1 Co 12.2). Une spiritualité qui promeut la responsabilité en est induite : il est flagrant que les cultes païens culminent dans deux écrasements jumeaux de la parole : le silence, jugé supérieur, dans lequel on s’abîme ; le bruit, déchaînement de décibels, qui livre aux forces obscures. Avec la Parole en Dieu, une fondation est pourvue pour les relations créées qui en offrent des analogies : fondation « ontologique » (dans l’Être-même) de l’intelligibilité, de la dicibilité, des êtres. En théologie trinitaire, le rapport de Dieu et de son Logos accompagne et, je crois, interprète le rapport entre le Père et le Fils. Il avertit de ne pas projeter en Dieu, naïvement, l’image d’une famille humaine : le Père et le Fils sont comme un homme et sa parole intérieure. La Trinité implique un dynamisme de la divinité qui permet à Dieu de s’exprimer parfaitement en lui-même, produisant son alter ego qui a tout en commun avec lui – sauf la distinction de l’exprimant et de l’exprimé, engendrant et engendré ; ce dynamisme peut être dit présence à soi.

L’association Dieu/sa Parole nous avertit aussi, quant à l’Écriture, contre la tendance à privilégier le texte jusqu’à l’éclipse de la parole. La tendance atteint son paroxysme moderne-post avec la lutte de Jacques Derrida contre la prééminence du Logos, contre le lien du signe à une réalité : les signes ne renvoient qu’à d’autres signes, indéfiniment – pour le sens, suicide par évaporation. Sans aller jusqu’à cet extrême, nous pouvons glisser dans cette direction : il est frappant de voir combien le texte est, au contraire, pour Jésus la Parole du Père, le véhicule de sa présence.

Où il est question de technicité…

Le texte applique un code pour transcrire les phonèmes en signes graphiques et sert ainsi la Parole. On peut dire un peu la même chose de la « technicité » qui entre dans les travaux académiques, y compris certains qu’on pourra lire dans Dieu et sa Parole. Il y a des lecteurs qui s’en impatientent, et pour qui la technicité est un écran. La technicité peut être un écran, et même par tactique délibérée – pour masquer l’absence d’arguments probants. Mais, elle qui coûte à l’auteur beaucoup de temps et d’énergie (j’en rends témoignage), est nécessaire au service de la thèse, de la défense et illustration de la vérité (qu’on espère opérer en écrivant).

Il y a le vocabulaire, les allusions, les raccourcis dans les enchaînements. Il en va ainsi de tout champ de spécialisation. Les spécialistes ont leur « jargon », qu’ils soient maçons, médecins ou maraîchers. Comme C. S. Lewis l’a relevé, le gain se résume : brièveté. S’il faut tout expliquer, on n’en sort pas ! Le volume doit être multiplié par dix, cent.

Suite de l’article de M. Henri Blocher

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Meilleurs voeux 2023 !

Le 31 Décembre 2022

Meilleurs voeux pour 2023

Pousser les murs pour accueillir plus et mieux ceux que le Seigneur appelle à son service et leur donner une solide formation biblique, pratique et communautaire, c’est ce que nous avons fait en 2022 avec votre soutien (et la construction du bâtiment D).

C’est ce que nous continuerons à faire en 2023… toujours avec votre aide.
Nous visons 50 nouveaux étudiants par an à l’horizon 2025 avec cette double conviction : “la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux !”

Nous n’avons donc qu’un souhait pour la nouvelle année : Que vous priiez avec nous le Seigneur de la moisson… et que vous soyez prêts à vous lever pour servir, à envoyer des personnes pour se former ou à donner pour que l’œuvre se développe !

Meilleurs voeux pour 2023 et merci pour votre fidélité.

Étienne LHERMENAULT, directeur

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Qu’importe toi, suis-moi…

Le 13 Octobre 2022

Que t’importe, toi, suis-moi…

Un étudiant de l’IBN, Benoît Longuet, promotion 2021, nous a tragiquement quittés cet été. Piqué par une guêpe, il a fait un choc anaphylactique fatal. Comme beaucoup face à ce terrible drame, j’ai interrogé le Seigneur. Très rapidement, la pensée suivante m’est venue : Que t’importe, toi, suis-moi. Comment comprendre et accepter une telle réponse ?

Cette réponse étonnante, qui peut paraître acerbe, est celle que Jésus a donnée à Pierre en Jean 21. Elle est arrivée à la fin d’une longue conversation de Jésus avec Pierre. D’abord, après une période sombre marquée par le reniement, celui qui deviendra le leader des apôtres a dû réaffirmer son amour pour Jésus. Puis réhabilité, il a reçu du Seigneur l’immense responsabilité de prendre soin et d’instruire le troupeau de Dieu (Jean 21. 15-17). Enfin, cette conversation s’est achevée avec des paroles de Jésus très dures concernant sa fin de vie douloureuse pour la gloire de Dieu (Jean 21. 18-19). Sans doute par amitié pour Jean, le disciple bien-aimé du Seigneur, Pierre a voulu savoir ce qu’il adviendrait de lui (Jean 20. 20-23). La réponse de Jésus au souci de Pierre pour Jean est décapante : Que t’importe, toi, suis-moi. Nous laissons de côté toutes les questions introductives sur la composition du chapitre 21 de cet évangile pour aborder cette réponse abrupte de Jésus, que t’importe, toi, suis-moi, sous l’angle pastoral à travers trois applications relatives à notre vie et à notre ministère :

– Que t’importe, toi, suis-moi, même si tu ne comprends pas la manière d’agir de Dieu : Si Dieu est attentif à nos supplications, il arrive qu’Il ne réponde pas toujours comme nous l’aurions souhaité et demandé. Quelquefois, sa réponse peut être énigmatique, sans clarté et sans précisions. Elle peut nous désarçonner surtout quand elle fait plus mal que le mal lui-même. Peu importe, quelle que soit la manière de Dieu, Il souhaite nous apprendre à dépendre de Lui, et non de ce qu’Il donne. Apprenons donc à Lui faire confiance à tout instant et dans chaque circonstance, parce qu’Il est Dieu.

– Que t’importe, toi, suis-moi, même si les fruits de ton service tardent à venir : Nous vivons dans une société de résultats instantanés et de rentabilité. S’il est normal et gratifiant de cueillir rapidement les fruits de notre investissement, la tyrannie de l’immédiat peut nous écraser et nous décourager. Quand nous sommes convaincus d’être là où Dieu nous veut, même dans la souffrance, le manque de fruits est une école d’apprentissage de la persévérance, de la patience et de la prière. Le temps, l’énergie et la capacité donnés au service de Dieu dans son oeuvre sont un investissement dont les conséquences heureuses et certaines dépassent la durée d’une vie. Dans la main de Dieu, notre ministère portera toujours du fruit maintenant ou plus tard. Apprenons donc à servir sans rien attendre en retour immédiatement si ce n’est d’être fidèles dans notre service.

– Que t’importe, toi, suis-moi, même si ta vie et ton ministère sont plus rudes que ceux d’un autre : Après l’amère épreuve du reniement, la mission confiée à Pierre de prendre soin de l’Église embryonnaire le remettait dans ce que Dieu avait prévu pour lui. Pierre a aussi entendu de la bouche de Jésus la fin pénible et douloureuse qui lui était réservée. Loin d’être abattu par cette fi n tragique annoncée, la suite de son ministère nous apprend qu’il a été fidèle à la tâche qui lui a été confiée. Nous ne suivons pas et ne servons pas le Seigneur dans l’espoir d’avoir une vie et un ministère tranquilles. Si notre service pour Dieu nous afflige, si des souffrances subies ou non nous désolent, nous avons l’assurance de la présence et du soutien du Dieu consolateur. Apprenons donc à accepter ce que Dieu a prévu pour nous sans nous comparer ou nous mesurer aux autres.

Nous suivons et servons le Dieu grand et tout-puissant. Il sait et connaît toutes les situations de notre vie et de notre engagement. Sa main souveraine nous conduit. Gardons-nous d’être inquiets et rappelons-nous que le juste vivra par la foi.

Patrice KAULANJAN

(IBphile d’octobre 2022 n°196)

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Une vie d’Église pleine de sens

Le 4 Juillet 2022

Une vie d’Église pleine de sens

Une vie d’Église ressourçante nous semble exiger du sens, plus de sens dans ce que nous faisons. La perte de sens est au coeur de bien des phénomènes de lassitude et même d’épuisement. Pendant le confinement, le recours au télétravail a été chez beaucoup à l’origine d’une grande fatigue : faute de contacts humains et d’interactions directes, si ce n’est par écran interposé, de nombreux employés ne comprenaient plus vraiment le sens de ce qu’ils faisaient. Les Églises n’ont pas échappé au phénomène qui a touché les membres et sympathisants au point de les démobiliser.

Si nous parlons de sens, il faut alors évoquer la place que nous réservons à l’Écriture dans nos Églises, parce que c’est d’elle que nous tirons (ou que nous devrions tirer) le sens de tout ce que nous croyons et faisons. Permettez-moi de vous rappeler qu’il ne suffit pas de lire, d’étudier, ni même de connaître par coeur les Écritures pour se soumettre au Seigneur qu’elles révèlent. Les controverses de Jésus avec les scribes, les pharisiens et autres docteurs de la Loi le disent assez. Pour l’exprimer autrement, il n’y a pas qu’une façon de mettre à mal l’autorité de la Parole de Dieu, le relativisme libéral en est une, l’attachement à la lettre au détriment de l’Esprit qui vivifie en est une autre (cf. 2 Co 3.6) et la raréfaction de sa lecture dans nos réunions publiques une troisième. Ce dernier travers me préoccupe car il prend de l’ampleur dans notre monde évangélique. J’ai souvent dit et écrit mon désarroi devant la faible place réservée à la Bible dans nos cultes, en particulier lors de la louange, et plus rarement lors de la prédication et dans nos réunions hebdomadaires. Et un frère dominicain de mes amis, Michel Mallèvre, bon connaisseur des évangéliques, m’a fait remarquer qu’aujourd’hui la Bible était plus lue lors de la Messe que dans bien des cultes évangéliques !

Mais revenons à la seule question de la louange si prisée dans nos rencontres dominicales. Quel sens peut avoir une séquence de louange, aussi professionnelle et émouvante soit-elle, si elle ne répond pas consciemment à ce que l’Écriture nous révèle de la grandeur de Dieu, de sa bonté, de sa lenteur à la colère, de sa sainteté, de sa souveraineté, de son amour manifesté en Jésus-Christ ? Je gage qu’il y a là pour une part l’explication de la pauvreté spirituelle de ces moments, pauvreté hymnologique – des pans entiers de la doctrine et de la piété sont peu ou pas abordés par nos chants –, pauvreté émotionnelle – seule la joie semble de mise au détriment de la crainte de Dieu, de l’expression de sa majesté, de la confession de nos fautes et de nos besoins qui sont aussi une forme de reconnaissance –, pauvreté dans la façon de chanter – la répétition systématique parfois jusqu’à l’absurde de certains choeurs – pour ne rien dire de l’uniformité de style, de la piètre qualité des traductions et des fautes d’orthographe ou de syntaxe sur nos écrans ! J’arrête là ma litanie pour revenir à la place de l’Écriture dans nos communautés.

Nous confessons la pleine autorité de la Bible,
mais nous la lisons peu en public.

N’y aurait-t-il pas un décalage entre les affirmations fortes de nos confessions de foi à son endroit et le rôle que nous lui attribuons concrètement ? Nous confessons sa pleine autorité, mais nous la lisons peu en public. Nous croyons à son importance, mais nous la lisons mal, souvent avec précipitation, pour avoir plus de temps pour la commenter ! Nous reconnaissons qu’il s’agit d’une Parole vivante mais elle fait parfois office d’ornement décoratif ou d’illustration dans certaines de nos rencontres.

La prédication textuelle, si prisée par beaucoup et que j’enseigne à l’Institut, est certainement une des réponses à cette désaffection. En effet, elle permet de faire briller la richesse de l’Écriture et d’inciter l’auditeur à la scruter attentivement. Mais elle nécessite, pour être pertinente, une solide formation biblique et théologique à laquelle trop peu de prédicateurs acceptent de se soumettre. L’enjeu n’est pas mince, c’est que Christ soit et reste au coeur de la prédication. Si nous voulons retrouver une vie d’Église bienfaisante et pleine de sens, il nous faut revenir à nos bonnes vieilles Bibles et écouter ce que l’Esprit dit aux Églises…

Etienne Lhermenault

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Pourquoi lire l’Ancien Testament ?

Le 22 Avril 2022

Pourquoi lire l’Ancien Testament ?

Mon Église vient de commencer un survol de la Bible : à l’école du dimanche, pour les enfants, et, en parallèle, au culte pour les adultes. Quand j’ai préparé la leçon sur la Genèse, je me suis souvenu de chrétiens exprimant leurs difficultés face à l’Ancien Testament : coutumes et us éloignés des nôtres, récits guerriers remplis de violence, textes de loi impossibles à appliquer tels quels, oracles prophétiques énigmatiques… si le Nouveau Testament accomplit les attentes et prédictions de l’Ancien, pourquoi se soucier encore de ce qui l’a précédé ?

Le Père de Jésus-Christ est le Dieu de l’Ancien Testament

C’est une des premières hérésies à laquelle la jeune Église a dû faire face : des gnostiques, comme Marcion au 2e siècle, ne pouvaient pas admettre que le Dieu créateur, à l’origine du monde matériel, était le Dieu bon qui se révèle en Jésus-Christ. Son canon, première liste de livres bibliques qui soit parvenue jusqu’à nous, exclut l’Ancien Testament (et ne retient qu’une version tronquée du Nouveau).

L’appellation « Ancien Testament » pour la première partie de la Bible se trouve déjà chez Paul (2 Co 3.14) ; et l’auteur de l’épître aux Hébreux n’hésite pas à écrire de ses dispositions rituelles qu’elles appartiennent à l’ancien régime ; « or, ce qui devient ancien et ce qui vieillit est près de disparaître » (Hé 8.13). Mais l’Église n’a jamais vacillé dans sa conviction que la Bible hébraïque est Parole de Dieu, au même titre que le NT. Paul, tout en étant « l’apôtre des païens » (Gal 2.18), souligne l’importance des écrits de l’ancienne alliance : « Tout ce qui a été consigné autrefois dans l’Écriture l’a été pour nous instruire, afi n que la patience et l’encouragement qu’apporte l’Écriture produisent en nous l’espérance » (Rm 15.4).

L’Ancien Testament à l’IBN

Un feuillet de juillet 1921, qui informe des donateurs britanniques du projet de lancer un « French Bible Training Institute » à Nogent, précise que le programme d’études inclura l’étude de chaque chapitre de la Bible. Si nous peinons à mettre totalement en pratique l’objectif affiché de nos fondateurs, cela reste l’objectif de l’Institut : conférer à l’étudiant une solide connaissance de tous les livres de la Bible. 28 crédits (qui correspondent à environ 730 heures d’étude investies par l’étudiant) sont consacrés à l’étude de l’AT au cours des trois années, ce qui constitue plus de la moitié (53 %) des crédits consacrés à la Bible.

L’actualité de l’Ancien Testament

Pourquoi accorder une telle place à l’étude de l’AT dans la formation de pasteurs, missionnaires et évangélistes ? Les raisons en sont diverses :

• Il est impossible de comprendre le Nouveau Testament sans solide connaissance de l’Ancien. Les personnages connus de la Bible hébraïque – Adam et Eve, Abel et Caïn, Hénoch, Noé, Abraham et Sarah, Isaac… peuplent aussi les pages du NT. L’épître aux Hébreux présente un commentaire théologique approfondi de personnes et institutions clé de l’ancienne alliance.

• L’Ancien Testament inscrit l’existence du croyant dans une histoire plurimillénaire. Une telle profondeur est d’autant plus précieuse dans un contexte où la plupart de nos Églises en France sont de fondation récente, de surcroît quand les histoires familiales ne facilitent pas la conscience d’être héritier d’une longue tradition (ruptures relationnelles, migration…).

• Nous suivons l’exemple de Jésus et des apôtres. Environ 10 % des paroles de Jésus sont des citations ou des allusions directes de l’AT. Les discours des Actes sont truffés de citations bibliques. Si Paul évite la preuve scripturaire face aux non-croyants païens sur l’Aréopage (Ac 17), il y a largement recours dans ses épîtres, même quand les Églises auxquelles il écrit sont composées majoritairement de croyants de cet arrière-plan, convertis depuis peu (comme c’est le cas à Corinthe).

• L’Ancien Testament contient des leçons de vie irremplaçables. Une psychologue chrétienne me faisait remarquer la naïveté de nombreux croyants, qui sousestiment les ramifications persistantes du mal dans nos familles et communautés. Quel meilleur antidote que de méditer les récits des patriarches, des juges et des rois, avec leurs lots de rivalités entre frères, de violences faites aux femmes, de doutes devant les promesses de Dieu… Qui connaît l’AT sait que le message de la Bible n’est pas que les croyants sont géniaux, mais que Dieu mène jusqu’au bout son oeuvre de salut (cf. Gn 50.20 ; Rm 5.20). L’Ancien Testament nous apprend à glorifier Dieu dans la vie quotidienne. La doctrine de la création, développée surtout dans l’AT, fournit le cadre d’une spiritualité de la vie ordinaire : servir Dieu à la maison et au travail, puisque ce monde ordinaire, « séculier », est créé par Dieu, et l’homme est appelé à le gérer en vice-régent (Gn 1.28 ; 2.15). La littérature sapientiale apporte des éclairages précieux pour la mise en pratique : Job devant l’énigme du mal, Proverbes avec des conseils très pratiques, le Cantique célébrant la beauté de l’amour conjugal, Qohélet faisant face à la fi nitude de l’existence humaine.

Vive les cours de l’Ancien Testament à l’Institut ! Vive sa lecture dans nos Églises !

Lydia JAEGER

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Vivre dans la reconnaissance…

Le 24 Janvier 2022

Vivre dans la reconnaissance

Plus qu’une gratitude occasionnelle, vivre dans la reconnaissance est un style de vie dont la confiance en Dieu, la paix intérieure et la sérénité sont les expressions visibles. La Bible exhorte à cultiver une vie reconnaissante en tout temps. Quelles sont les raisons profondes pour développer une attitude reconnaissante même dans un contexte difficile et compliqué ?

NOUS SOMMES RESSUSCITÉS AVEC CHRIST, V.1-4.

En Lui, Dieu nous a fait passer de la mort à la vie. Nous portons en nous la puissance et la vie du Christ ressuscité. Maintenant, Christ est notre vie. Nous sommes ressuscités avec Lui pour l’éternité. Ce que nous possédons déjà fermement par la foi se réalisera quand Christ paraîtra. Telle est notre espérance.

NOUS AVONS UNE NOUVELLE VIE EN CHRIST, V.5-11.

En Christ par son Esprit, Dieu nous a régénérés pour une vie nouvelle. Le fondement de cette régénération est la croix où le Christ s’est livré pour le pardon de nos péchés. Le signe de cette nouvelle vie est la sainteté. Notre connaissance croissante du Seigneur nous permet de nous débarrasser de notre ancienne façon de vivre. Telle est notre collaboration avec le Dieu.

NOUS SOMMES CHOISIS PAR DIEU, V. 12.

Dieu s’est fait connaître à nous. Choisis par Lui en Jésus, nous sommes devenus ses bien-aimés, mis à part pour Lui, v.12. Dieu nous aime, c’est l’essentiel de la vie. Continuellement, nous sommes au bénéfice de sa grâce providentielle. Nous ne pouvons pas avoir plus que Dieu. Tout nous vient de Lui. Telle est notre richesse.

NOUS SOMMES REVÊTUS DE LA GRÂCE DE DIEU, V.13.

Dieu nous fait participer à sa grâce. Nous disposons des habits éternels du Christ : la compassion, la bonté, l’humilité, la douceur, la patience… v.12. Nous en sommes fiers. Si nous sommes revêtus du caractère de Jésus pour vivre nos relations, il convient de s’en parer constamment pour aimer jusqu’à pardonner comme le Christ. Tel est notre devoir.

NOUS SOMMES L’ÉGLISE DU SEIGNEUR.

Placés dans l’Église de Jésus-Christ, nous sommes appelés à la paix comme un seul corps. Avec les frères et sœurs en Christ, nous cultivons la paix mise dans notre cœur, afin qu’elle règne dans nos rapports.
La paix est un signe de notre communion en Christ. Telle est notre préoccupation.

Dans notre contexte d’insatisfactions malsaines, celui qui se nourrit de ce qu’il est et possède en Christ, vit dans la reconnaissance à Dieu. Si la dévalorisation de soi, l’angoisse, le pessimisme, la colère refoulée ou explosive, les relations difficiles, voire conflictuelles, gangrènent sa vie, il sait que sa vie est en Christ. Il est assuré de l’activité souveraine et bienfaisante de Dieu dans sa vie. Sa vie de reconnaissance s’exprime entre- autres par des cantiques… v. 16.

Vivons dans la reconnaissance !

Patrice KAULANJAN

(article issu de l’IBphile n°193)

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Dieu vit que cela était bon

Le 30 Novembre 2021

Dieu vit que cela était bon

En juin dernier, l’IBN a organisé pour la première fois, une extension du colloque Dabar en Europe francophone. Nous étions heureux de réunir un groupe de 12 personnes, composé de représentants des écoles bibliques et facultés de théologie francophone (INFAC) et plusieurs scientifiques évangéliques.

Organisé par le Carl Henry Center (Trinity Evangelical Divinity School, Illinois), ce colloque cherche à promouvoir la recherche théologique dans le domaine de la doctrine de la création qui soit à la fois fidèle aux convictions évangéliques et en interaction avec des travaux pertinents en sciences naturelles. Cette année, le colloque avait pour thème « Dieu vit que cela était bon : unir l’ordre naturel et moral ».

La bonté de la création est une affirmation centrale du premier chapitre de la Genèse, mais elle est souvent négligée dans les débats modernes sur les origines. D’une part, cette bonté est directement liée à la bonté de Dieu ; d’autre part, elle est opposée au péché et au mal. Les différents intervenants ont creusé la signification de la bonté de l’ordre naturel, et la question de savoir si les processus de l’évolution biologique, la souffrance et la mort animales seraient cohérents ou en opposition à cette affirmation. Une contribution particulièrement intéressante dans cette discussion venait d’un exposé de théologie biblique sur le mot tov (bon), dans le refrain du récit de la création : « Dieu vit que cela était bon ». On a suggéré que la création est bonne parce qu’elle accomplit le but pour lequel elle a été créée. Considérer ainsi la bonté change le regard porté sur le monde animal : peut-on vraiment considérer la chaîne alimentaire comme un mal et la conséquence du péché, si elle a été créée précisément pour ce but (cf. Ps 104.21) ?

Une particularité des colloques Dabar est leur déroulement : les articles sont distribués en avance et lors du colloque, chaque intervenant ne présente qu’un résumé de son article, suivi de deux répondants qui soulèvent les points forts et faibles de son argumentation. Cela laisse un temps significatif pour des questions et la réflexion se poursuit dans les groupes de discussion. Ce format a beaucoup plu à notre groupe francophone, puisque le travail de préparation en amont a généré des échanges riches et approfondis, et nous a permis d’avancer dans cet important débat.

Rachel VAUGHAN 

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Les études à l’Institut

Le 1 Novembre 2021

Les études à L’Institut

La sortie du livre « À l’ombre du grand cèdre. Histoire de l’Institut biblique de Nogent (1921-2021)» écrit par Anne Ruolt est l’occasion de revisiter le projet pédagogique de notre école. Voici quelques pages légèrement adaptées de l’ouvrage qui abordent ce sujet

(p. 378-384).

En 1988, le rapport moral exposé par Bernard Huck à l’AG présente le fruit de la réflexion des professeurs réunis le 11 mars 1985. Celui-ci résume la spécificité de l’Institut qui, selon eux, consiste en : « Une formation biblique, de théologie fondamentaliste (dans le bon sens du terme) mais aussi une formation spirituelle, humaine (vie communautaire et de piété) et pratique (initiation aux ministères) »2. Alors qu’il n’y avait en 1984 aucune condition de diplôme préalable pour commencer les études (ce qui est toujours le cas aujourd’hui), le CA de l’Institut se posait la question d’un « examen d’entrée sur les matières bibliques, voire une année préparatoire ». Cette mauvaise connaissance biblique de nombreux étudiants s’expliquait et s’explique toujours par un manque d’enseignement biblique dans les Églises3. Les réflexions menées en 1988 par Paul Sanders, autour d’un projet pédagogique » envisageaient d’étendre à quatre ans le programme d’étude plus exigeant pour répondre aux nouveaux besoins des Églises et des œuvres, insistant sur le degré de la motivation des élèves. « Beaucoup d’étudiants sont prêts à entrer dans les grandes écoles, connaissant les difficultés qu’ils vont rencontrer parce qu’ils sont motivés » affirmait-il, ajoutant « Cette motivation est bien sûr liée aux diplômes qu’ils obtiendront en fin d’études »4.

Dix ans plus tard, en 1998, Gauthier De Smidt présentait la visée de la formation à l’IBN en termes de maturité à acquérir. Il disait :

Si le savoir est un des buts de la formation, nous croyons aussi à l’importance des contacts, au partage des joies et des peines, aux temps des repas et de la détente, aux entretiens et à la prière en commun. C’est aussi ainsi que nos étudiants acquièrent une maturité5.

Ce qui suit recense plusieurs « moyens institutionnels » développés pour atteindre cet objectif de maturité autant dans la maîtrise des savoirs que dans l’exercice pratique et la vie quotidienne.

PÉDAGOGIE POUR FORMER LE CARACTÈRE

UNE PÉDAGOGIE VARIÉE, CENTRÉE SUR L’ENSEIGNANT ET LES CONTENUS

L’Institut n’a pas directement souscrit et développé les principes de la « pédagogie active », mettant l’élève au centre du processus. Des trois pôles en tension du triangle pédagogique de Jean Houssaye, l’enseignant, les savoirs et l’élève, où deux sont naturellement privilégiés au détriment du troisième qui « fait le mort » pour reprendre l’expression originelle, c’est d’abord la relation de l’enseignant aux savoirs à transmettre qui a été privilégiée. Le montre le premier des critères de recrutement des professeurs ou des chargés de cours, celui d’être en conformité avec les doctrines fondamentales de l’École. Ce n’est cependant pas le seul critère. Le second est celui de ses qualités humaines et pastorales, afin de servir de guide ou de « modèle » inspirant pour former des disciples. Ce processus de formation est représenté par la relation enseignant – élève du triangle pédagogique. Par contre, le processus d’apprentissage, représenté par la relation de l’élève aux savoirs, cher aux promoteurs de l’éducation nouvelle, a été le moins privilégié. L’élève est supposé avoir déjà « appris à apprendre ». La réputation de l’Institut, à ses débuts, s’est surtout faite sur l’aura et le rayonnement de ses premiers professeurs et de son directeur. Le modèle pédagogique a davantage été « enseignant-centré » puis « curriculumo-centré », lorsque l’institution a cherché à adopter les normes imposées par l’Association Évangélique Européenne d’Accréditation, même si celle-ci prenait davantage en compte le processus d’apprentissage des élèves.

J. M. Nicole a pourtant pratiqué la « classe inversée », avant qu’elle ne redevienne récemment à la mode, mais peut-être comme M. Jourdain pratiquait la prose, en l’ignorant, et en utilisant cette méthode pour gagner du temps sur ce qu’aurait exigé un cours magistral. Il avait plutôt fait sienne la formule de Ruben Saillens qui affirmait que « ce qui est neuf est rarement bon et ce qui est bon est rarement neuf » En quoi consistait ce mode d’enseignement ? Plutôt que d’exposer un cours de doctrine de façon magistrale et d’imposer à l’étudiant de prendre des notes, pour ensuite assimiler le cours et se présenter à un examen vérifiant l’acquisition des connaissances, le cours, dans le modèle dit de la « classe inversée », est bâti sur une série de questions, livrées à l’élève en amont du cours. C’est en quelque sorte l’étudiant qui prépare le cours en cherchant les réponses par lui-même. Le cours en classe s’organisait alors de la façon suivante : M. Nicole égrainait les questions en interrogeant au hasard un étudiant — honte à lui s’il n’avait rien préparé ! mais bienheureux celui qui était interrogé lors du premier cours, il était tranquille pour un petit moment—, celui-ci lisait ce qu’il avait préparé, puis le professeur corrigeait et complétait en structurant logiquement la réponse, et répondait aux questions que le sujet avait suscitées. Cette méthode favorise l’autonomie de la recherche « par soi- même », l’interaction adaptée aux questions de la classe et le travail d’apprentissage régulier, si… les élèves jouent le jeu et ne reprennent pas le travail de préparation effectué par un de leurs camarades ! Était-ce un choix pédagogique délibéré, ou était-ce un choix par défaut, pour survivre à la charge d’enseignement si variée qui fut celle de J. M. Nicole ? En tout cas, l’habitude a perduré chez M. Nicole lorsque ses différents « Précis » ont été publiés, faisant la synthèse de ses cours. Aujourd’hui si les questionnaires subsistent dans certains cours, ils sont souvent conçus comme une aide destinée à guider l’élève vers ce que le professeur veut qu’il sache restituer le jour de l’examen. L’étudiant y répond après le cours pour se préparer à l’examen, lequel consiste à être capable de répondre, sans ses notes, à une de ces questions tirées au sort.

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Article en intégralité dans le n°192 de l’IBphile

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