Qu’est-ce qui se vend, en France, à près de sept millions d’exemplaires en un mois à partir de la fin novembre ?
L’arbre de Noël ! Une tradition héritée de l’Est protestant, dont une première mention figure au livre de comptes de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, en date du 21 décembre 1521. Et c’est au mouvement des Écoles du dimanche qu’on doit d’avoir popularisé cette coutume à partir du milieu du XIXe siècle.
Symbole d’une allégorie naturelle protestante, l’arbre illustrait le sens du message du salut clairement exprimé dans les Évangiles. Dans les Écoles du dimanche, on expliquait que l’arbre vert symbolisait le croyant, présenté par le psalmiste comme un « arbre toujours vert » (Ps 1). Quant aux lumières qui l’ornaient, elles rappelaient l’incarnation du Christ, « lumière du monde » (Jn 8.12), ou « rayonnement de la gloire du Père » (Hb 1.3), venu révéler Dieu le Père et sauver l’homme du péché.1 Une scénarisation de lectures bibliques et de cantiques orchestrait l’entrée de l’arbre illuminée dans la salle où se déroulait la « fête de l’arbre »2 pour toucher les émotions du public autant que son entendement3.
L’arbre était dressé après Noël et illuminé lors d’une grande fête joyeuse. Voici le récit d’une telle fête organisée à Lyon par un jeune chrétien de l’UCJC, en collaboration avec les Écoles du dimanche :
” Pour célébrer Noël avec leurs élèves, jeunes gens et jeunes filles organisèrent une fête, pour laquelle ils demandèrent une des plus grandes salles de Lyon : le Palais Saint-Pierre. L’animateur, qui n’avait pas dix-huit ans, fut accueilli par le Maire, homme libéral, décidé à encourager toute initiative individuelle ou indépendante qui pouvait servir la morale et le relèvement du pays. D’ailleurs, le fils du Maire connaissait bien Ruben Saillens, travaillant lui aussi au Crédit Lyonnais. La demande fut donc accordée. il ne restait plus qu’à trouver l’argent pour donner aux enfants des cadeaux de Noël. On en trouva grâce à la générosité des protestants de Lyon.
Dans un rapport de R. Saillens, daté de 1872 et trouvé à la Bibliothèque Nationale, le fougueux jeune rapporteur s’écrie : « L’argent, Messieurs, est aussi pour nous le « nerf de la guerre », et souvent, ce vil et précieux métal ayant manqué, nous avons dû rogner les ailes ! »
La fête fut un succès. Deux arbres de Noël furent dressés dans la grande salle. Les pasteurs de Lyon prêtèrent leur concours. Les enfants, guidés par les moniteurs et les monitrices, exécutèrent des chants bien réussis. Douze cents spectateurs remplissaient la salle, et de larges distributions de traités furent faites aux enfants et aux adultes4.”
Vous l’avez compris, ce jeune homme n’est autre que Ruben Saillens (1855-1942) qui, à l’âge de la retraite, en 1921, fondera l’IBN…
Belles occasions de témoignage à chacun du vrai sens de Noel durant ce temps de fin d’année, et heureuses fêtes !
Anne Ruolt
Pour aller plus loin :
Gauthey Louis-Frédéric François, « la fête de l’arbre », Essai sur les Écoles du Dimanche, Paris, Agence de la Société des écoles du dimanche, 1858, p. 177‑181 lire en ligne https://www.google.fr/books/edition/Essai_sur_les_%C3%A9coles_du_dimanche/2d08AAAAcAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=Essai+sur+les+%C3%89coles+du+Dimanche+gauthey&printsec=frontcover
Rouillard, Philippe, Les fêtes chrétiennes en Occident, Paris, Cerf, 2003,
Ruolt Anne, « Du rôle des fêtes et de la joie comme moyens d’exciter la jeunesse », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses, , vol. 91, no 4, 2011, p. 525‑548. Lire en ligne https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2011_num_91_4_1583
Ruolt Anne, « L’arbre de Noël,
ou la leçon de chose protestante », Réforme, , no 3397, 2010, p. 15.lire en ligne https://www.reforme.net/opinions/2011/01/19/journal-12232010-3397-opinions-arbre-noel-lecon-chose-protestante/
Wargenau-Saillens, Madeleine, R & J Saillens évangélistes, Paris, Les Bons Semeurs, 1947, p. 25.
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1 Une autre interprétation veut que l’arbre garni de pommes renvoie à « l’arbre du fruit défendu » de la Genèse, par lequel, en Éden, le mal entra dans le monde, et avec lui la rupture de l’Alliance avec le Créateur. Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Paris, Cerf, 2003, p. 20. Notons que le lien entre « le mal » et « la pomme » est erroné. Il tire son origine d’un jeu de mot en latin : malus désigne à la fois le pommier et ce qui est mauvais ; malum la pomme et le mal. En langue française, comme en hébreu, les deux mots ne sont pas homonymes. Henri, Blocher, Révélation des origines, Lausanne, Presses Bibliques Universitaires, 1979, p. 121.
2 Louis-Frédéric François Gauthey, « Fête de l’arbre », Essai sur les Écoles du Dimanche, Paris, Agence de la Société des écoles du dimanche, 1858, p. 177‑181 en ligne https://www.google.fr/books/edition/Essai_sur_les_%C3%A9coles_du_dimanche/2d08AAAAcAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=Essai+sur+les+%C3%89coles+du+Dimanche+gauthey&printsec=frontcover
3 Nota bene : C’est à François d’Assise que l’on attribue la paternité de la coutume des crèches qui se sont répandues dans la tradition catholique. En 1223, pour illustrer le récit de la nativité, dans l’Église de Grecchio, ce dernier avait créé la première « crèche vivante ». Au XVIe siècle, ce sont les Jésuites qui créèrent les premières crèches avec figurines. La tradition provençale est datée de 1803. Ripert, 1956, p. 14.
4 Madeleine, Wargenau-Saillens, R & J Saillens évangélistes, Paris, Les Bons Semeurs, 1947, p. 25.