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Auteur/autrice : Marie Chauvet

Christianisme sans chrétienté : une gageure ?

Christianisme sans chrétienté : une gageure ?

La parution en 2023, aux Éditions du Cerf (coll. Lexio), d’une édition revue et augmentée du livre La Fin de la chrétienté mérite une mention expresse, tant est stimulante et opportune la réflexion de l’auteur, la philosophe catholique Chantal Delsol.

De fait, si au Ve siècle de notre ère nombre de chrétiens ont cru que l’Église ne survivrait pas à l’Empire romain envahi par les barbares, aujourd’hui nous pouvons, en Europe occidentale, tomber semblablement dans la perplexité en contemplant le christianisme aux prises avec une véritable mutation démographique et culturelle. Or, après une analyse très fine de la situation, l’auteur ne se laisse pas aller à la mélancolie, mais promeut un mode d’existence chrétienne que les évangéliques ne réprouveront pas. Oh ! tout au plus aurions-nous amendé le type du « témoin muet de Dieu » (4e de couv.), proposé pour le chrétien d’aujourd’hui : les évangéliques veulent « lutter pour la foi qui a été transmise une fois pour toutes » (Jd 3), sans dénier la débâcle de la société de chrétienté…

C’est en l’occurrence une révolution culturelle que Chantal Delsol dépeint magistralement : un retour au paganisme après seize siècles de civilisation chrétienne, un retour facilité par « la récusation de la transcendance » (p. 46) au profit d’un métaphorisme édulcoré.

Il y a ainsi révolution morale. Transcrite en des lois dites sociétales, elle est portée par l’émancipation du désir individuel et par l’imposition d’une honte du passé de culture chrétienne. Résultat : « On rétablit le divorce que la Chrétienté avait aboli. On permet l’infanticide [sous forme d’IVG ou d’IMG] que les chrétiens avaient interdit …. On pare de légitimité l’homosexualité ou le suicide [éventuellement assisté], que l’Église naissante avait criminalisés. » (p. 75)

Il y a aussi, quant à la vision même du monde, révolution ontologique. Amenée par la sécheresse du rationalisme moderne, elle conduit au panthéisme et à l’écologisme, figurant derechef une nature enchantée et absolutisée. Ainsi, on se prévaut de l’urgence de la défense de l’environnement pour quitter le rationnel et ériger l’écologie en religion, avec ses prêtres et ses doctrinaires.

Cette révolution, précise Delsol, fait régresser des principes longtemps portés par le christianisme. Ainsi en est-il du concept de vérité, affranchi de l’obligation de certitude ; dès lors se dilue-t-il dans l’agnosticisme, typique des mythologies. Par suite, c’est la morale, se retrouvant seule, qui s’impose. Elle prend la forme de « l’humanitarisme » et la place des « religions de la transcendance » (p. 140) : la philanthropie supplante la vérité. Aussi, comme en paganisme, c’est l’« élite gouvernante [qui] décrète la morale, promeut les lois pour la faire appliquer, et éventuellement la fait appliquer par injures et ostracisme » (p. 149)…

Eh bien, avec un tel retournement de l’histoire, le christianisme, marginalisé, doit se soucier non plus de domination mais d’exemplarité, plaide Delsol ! Et, dis-je, de verbe juste.

Sylvain Aharonian

De fait, si au Ve siècle de notre ère nombre de chrétiens ont cru que l’Église ne survivrait pas à l’Empire romain envahi par les barbares, aujourd’hui nous pouvons, en Europe occidentale, tomber semblablement dans la perplexité en contemplant le christianisme aux prises avec une véritable mutation démographique et culturelle. Or, après une analyse très fine de la situation, l’auteur ne se laisse pas aller à la mélancolie, mais promeut un mode d’existence chrétienne que les évangéliques ne réprouveront pas. Oh ! tout au plus aurions-nous amendé le type du « témoin muet de Dieu » (4e de couv.), proposé pour le chrétien d’aujourd’hui : les évangéliques veulent « lutter pour la foi qui a été transmise une fois pour toutes » (Jd 3), sans dénier la débâcle de la société de chrétienté…

C’est en l’occurrence une révolution culturelle que Chantal Delsol dépeint magistralement : un retour au paganisme après seize siècles de civilisation chrétienne, un retour facilité par « la récusation de la transcendance » (p. 46) au profit d’un métaphorisme édulcoré.

Il y a ainsi révolution morale. Transcrite en des lois dites sociétales, elle est portée par l’émancipation du désir individuel et par l’imposition d’une honte du passé de culture chrétienne. Résultat : « On rétablit le divorce que la Chrétienté avait aboli. On permet l’infanticide [sous forme d’IVG ou d’IMG] que les chrétiens avaient interdit …. On pare de légitimité l’homosexualité ou le suicide [éventuellement assisté], que l’Église naissante avait criminalisés. » (p. 75)

Il y a aussi, quant à la vision même du monde, révolution ontologique. Amenée par la sécheresse du rationalisme moderne, elle conduit au panthéisme et à l’écologisme, figurant derechef une nature enchantée et absolutisée. Ainsi, on se prévaut de l’urgence de la défense de l’environnement pour quitter le rationnel et ériger l’écologie en religion, avec ses prêtres et ses doctrinaires.

Cette révolution, précise Delsol, fait régresser des principes longtemps portés par le christianisme. Ainsi en est-il du concept de vérité, affranchi de l’obligation de certitude ; dès lors se dilue-t-il dans l’agnosticisme, typique des mythologies. Par suite, c’est la morale, se retrouvant seule, qui s’impose. Elle prend la forme de « l’humanitarisme » et la place des « religions de la transcendance » (p. 140) : la philanthropie supplante la vérité. Aussi, comme en paganisme, c’est l’« élite gouvernante [qui] décrète la morale, promeut les lois pour la faire appliquer, et éventuellement la fait appliquer par injures et ostracisme » (p. 149)…

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Le mariage : ce que dit la Bible !

Le mariage : ce que dit la Bible 

Le mariage, réalité humaine commune, a bénéficié, dans l’histoire de la France, sinon d’une sacralisation, du moins d’une sorte de légitimation religieuse, avant d’obtenir une légitimation séculière. Mais aujourd’hui, force est de constater que l’institution du mariage elle-même est questionnée ; il n’y a plus consensus – en revanche le clivage des catholiques et des protestants s’estompe dans ce domaine…
Sylvain Aharonian, professeur d’Etique à l’IBN, esquisse dans cette vidéo le message de la Bible au sujet du mariage en mettant l’accent sur sa dimension d’alliance.

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Les abus sexuels, sortir de l’ombre !

Sortir de l'ombre, les abus sexuels

Les abus sexuels, sortir de l’ombre ! 

S’il y a un thème sur le devant de la scène médiatique, c’est bien celui des abus, sexuels surtout. Effet de mode ? Hélas, non. J’ai rencontré ce thème trop souvent dans des entretiens, pour encore penser qu’il s’agisse d’un phénomène marginal, ou qui épargnerait nos Églises. On ne peut donc que saluer l’initiative Stop Abus, lancée par le CNEF.

Sortir de l’ombre 

Avant que le thème arrive sur le haut de l’attention publique , l’Institut Biblique avait déjà organisé un Forum consacré aux abus sexuels en 2014, dont les textes ont été publiés depuis (Les Abus sexuels. Sortir de l’ombre, Excelsis 2017).

Pourquoi avoir anticipé ainsi la prise de conscience publique ? C’était surtout due à la conjonction entre deux facteurs : plusieurs d’entre nous (parmi les professeurs et les membres du CA) avaient rencontré la problématique, alors que notre formation professionnelle ou expérience personnelle ne nous y avait pas disposés. C’est l’écoute pastorale elle-même, et non un a priori psychologisant qui nous avait conduit à prendre conscience de l’ampleur du phénomène – tant par sa fréquence que par ses effets dévastateurs. Et, deuxième facteur en jeu, la présence de personnes en notre sein qui, par leur profession, étaient des spécialistes dans le domaine : la psychologue Agnès Blocher, qui travaillait auprès de jeunes en difficulté et offrait bénévolement des entretiens de soutien psychologique à nos étudiants ; l’ancien membre de la brigade des mineurs Fabrice Delommel, étudiant à l’ Institut à ce moment.  Ainsi, nous ne pouvions plus nous satisfaire du silence entourant le sujet, jusque dans nos programmes de formation théologique, mais devions faire un moins un premier pas, pour le sortir de l’ombre.

La Bible fait du mariage le seul cadre dans lequel la pratique de la sexualité plaît à Dieu. Elle rejoint donc sans restriction la condamnation de la société des abus sexuels, en particulier commis sur des mineurs. Notre réflexion et notre pastorale pourront tirer pleinement profit de l’apport des sciences humaines, fruit de la grâce commune. (Je me rappelle le dégoût ressenti quand je me suis rendu compte que les agissements d’un maître de stage correspondaient en tout point à ce que décrit la littérature, et quel courage l’étudiante, soutenue par l’équipe professorale, a dû déployer pour les dénoncer.) En même temps, la vision biblique de l’être humain se distingue aussi des consensus sociétaux. Du coup, on peut s’attendre à ce que le contexte plus large de l’éthique biblique soit un cadre particulièrement fécond pour la prise en compte du phénomène.

Les contributions consignées dans le livre restent d’une affligeante actualité. Il vaut toujours – hélas ! – la peine de les lire (ou relire). Ainsi nous serons mieux équipés pour offrir une écoute bienveillante à ceux qui nous entourent, dans nos Églises et hors de nos Églises. Il est probable qu’il y en ait plus d’un qui n’attendent que cela pour dire le secret qui leur pèse et les paralyse.

_________ Lydia Jaeger

De multiples questions se posent : quels sont les signes qui alertent d’une relation abusive ? Comment réagir quand on la soupçonne dans son entourage, y compris à l’Église? Faut-il pardonner sans condition? Pourquoi Dieu n’est-il pas intervenu quand on a crié à lui ? Le chrétien a-t-il le droit de recourir aux instances judiciaires du « monde »?

(Ces réflexions sont le fruit du premier « Forum de l’IBN », journée de réflexion organisée par l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne en novembre 2014. L’ouvrage offre au lecteur un guide éclairant qui l’aidera sur ce terrain semé d’embûches. Il s’appuie sur des compétences pluridisciplinaires, tant exégétiques et dogmatiques, que psychologiques et judiciaires.

Ont collaboré à cet ouvrage : Agnès Blocher, Fabrice Delommel, Lydia Jaeger, Émile Nicole, Elvire Piaget (†), Gladys Vespasien, Peter Winter).

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Dieu vit que cela était bon

Le 30 Novembre 2021

Dieu vit que cela était bon

En juin dernier, l’IBN a organisé pour la première fois, une extension du colloque Dabar en Europe francophone. Nous étions heureux de réunir un groupe de 12 personnes, composé de représentants des écoles bibliques et facultés de théologie francophone (INFAC) et plusieurs scientifiques évangéliques.

Organisé par le Carl Henry Center (Trinity Evangelical Divinity School, Illinois), ce colloque cherche à promouvoir la recherche théologique dans le domaine de la doctrine de la création qui soit à la fois fidèle aux convictions évangéliques et en interaction avec des travaux pertinents en sciences naturelles. Cette année, le colloque avait pour thème « Dieu vit que cela était bon : unir l’ordre naturel et moral ».

La bonté de la création est une affirmation centrale du premier chapitre de la Genèse, mais elle est souvent négligée dans les débats modernes sur les origines. D’une part, cette bonté est directement liée à la bonté de Dieu ; d’autre part, elle est opposée au péché et au mal. Les différents intervenants ont creusé la signification de la bonté de l’ordre naturel, et la question de savoir si les processus de l’évolution biologique, la souffrance et la mort animales seraient cohérents ou en opposition à cette affirmation. Une contribution particulièrement intéressante dans cette discussion venait d’un exposé de théologie biblique sur le mot tov (bon), dans le refrain du récit de la création : « Dieu vit que cela était bon ». On a suggéré que la création est bonne parce qu’elle accomplit le but pour lequel elle a été créée. Considérer ainsi la bonté change le regard porté sur le monde animal : peut-on vraiment considérer la chaîne alimentaire comme un mal et la conséquence du péché, si elle a été créée précisément pour ce but (cf. Ps 104.21) ?

Une particularité des colloques Dabar est leur déroulement : les articles sont distribués en avance et lors du colloque, chaque intervenant ne présente qu’un résumé de son article, suivi de deux répondants qui soulèvent les points forts et faibles de son argumentation. Cela laisse un temps significatif pour des questions et la réflexion se poursuit dans les groupes de discussion. Ce format a beaucoup plu à notre groupe francophone, puisque le travail de préparation en amont a généré des échanges riches et approfondis, et nous a permis d’avancer dans cet important débat.

Rachel VAUGHAN 

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Une pandémie révélatrice

Le 16 février 2021

Une pandémie révélatrice

La pandémie qui rythme notre quotidien depuis plusieurs mois semble agir comme un révélateur, voire un accélérateur, de fragilités individuelles et sociales, d’errements médiatiques et politiques, d’impasses intellectuelles, et aussi d’indigences ecclésiales. Extrait du rapport du directeur à l’assemblée générale de l’IBN.

 

Si l’Institut Biblique veut former de façon pertinente les responsables évangéliques, il ne peut ignorer avec quelle pâte il travaille s’il veut mieux cerner l’objectif à poursuivre dans son ministère. Ce que la situation sanitaire, avec toutes ses contraintes, met en lumière dans nos Églises et plus largement dans notre mouvement évangélique l’intéresse donc au premier chef.

 

DES ÉGLISES… VIRTUELLES !

 

Ce qu’Internet n’a pas réussi à faire au cours des années, la pandémie l’a accompli : transformer nos Églises en assemblées virtuelles ! Je grossis le trait à dessein pour vous faire toucher du doigt une réalité préoccupante : les cultes à distance, en totalité ou en partie, consacrent ce qu’il y a de plus regrettable dans notre mouvement évangélique, la consommation religieuse. Je veux parler ici d’une tendance à transformer le culte en spectacle pour attirer et fidéliser un auditoire. Pour y parvenir, il faut certes travailler, mais aussi avoir du charisme, des moyens humains et financiers et un auditoire nombreux et enthousiaste. Le passage à l’écran pour raisons sanitaires a renforcé une tentation déjà présente dans ces cultes-spectacle : soigner surtout les apparences. C’est ainsi qu’une partie non-négligeable des auditoires de nos modestes communautés profitent de la multiplicité de l’offre sur Zoom ou sur YouTube pour aller voir si l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin. D’un clic, chacun peut suivre de son canapé au choix Hillsong-Paris, MLK à Créteil, l’Église baptiste de Pontault-Combault… Et chacun de ressortir fasciné par la performance du groupe de louange, des animateurs ou du prédicateur. Comment ne pas se sentir alors frustré d’appartenir à une Église qui, certes, met beaucoup de bonne volonté dans la préparation de ses célébrations mais ne parvient guère à soutenir la comparaison ? Et ce qui retenait chacun de trop papillonner jusqu’ici, la dimension personnelle des relations humaines, la chaleur de la communion fraternelle, le souci mutuel souvent présents dans nos modestes communautés, étant mis à mal par les contraintes sanitaires, nous sommes tentés d’aller chercher ailleurs de quoi nous faire vibrer. Et de trahir ainsi notre vocation de membre du corps de Christ en nous transformant en simples spectateurs. La pandémie ne serait-elle pas en train de redistribuer les cartes au profit de quelques Églises phares et d’appauvrir le réseau des « petites » Églises si nécessaires à l’apprentissage de l’amour fraternel et au témoignage de proximité ? Je le crains.

 

LE CŒUR PLUS QUE LA TECHNIQUE

 

Ce constat nous conduit, à l’Institut, à relativiser la centralité de la technique au profit du cœur au sens biblique du terme dans la formation au ministère. Il importe assez peu que nos étudiants sachent utiliser une application de visioconférence ou diffuser un culte sur YouTube. Après tout, ils trouveront dans l’Église ou dans l’œuvre dont ils auront la charge des passionnés qui le feront beaucoup mieux qu’eux. Par contre, il est essentiel qu’ils apprennent à discerner ce qui est important et à ne pas le perdre de vue quand l’adversité survient. Comment rompre l’isolement des confinés ? Comment faire vivre la communion fraternelle quand l’Église est durablement dispersée ? Comment cultiver l’espérance quand l’horizon se limite à la prochaine vague de l’épidémie ou à l’arrivée d’un vaccin ? Seul un cœur nourri de la pensée du Seigneur, exercé à discerner les temps et les moments et rempli de l’amour de Dieu par le Saint-Esprit trouvera les voies et moyens de faire vivre l’Église dans de telles circonstances.

Etienne Lhermenault

IBphile de janvier 2021

Être avec Christ

Le 16 Septembre 2020

Être avec Christ

En octobre 2017, nous fêterons le 500e anniversaire de la Réforme protestante. Pour être tout à fait exact, par convention, les Églises protestantes fixent sa naissance au 31 octobre 1517, date à laquelle Luther a placardé 95 thèses sur les portes de l’église du château de Wittenberg pour dénoncer les abus de son Église. Faut-il célébrer cet événement comme le font la Fédération Protestante de France avec son année « Protestants 2017 – 500 ans de Réformes – Vivre la fraternité » ou le Conseil national des évangéliques de France avec son « Merci pour la Bible – 1517-2017 : 500 ans de renouveau spirituel » ? Les plus sensibles aux relations œcuméniques préfèrent parler en mode mineur de commémorations plutôt que de célébrations, car, rappellent-ils, l’événement a sonné la division de l’Église en Occident. Les plus férus d’histoire se demandent s’il est judicieux de tresser tant de lauriers à un Luther qui a aussi été vivement antisémite et très violent dans ses propos « Contre les bandes pillardes et meurtrières des paysans 1 ». Quant à ceux qui méconnaissent l’histoire de l’Église et se méfient des relations œcuméniques, ils préfèrent s’intéresser au seul présent plein de promesses inaccomplies et de victoires idéalisées.

 

N’en déplaise aux uns et aux autres, nous croyons qu’il est juste à l’Institut Biblique de Nogent de célébrer le début du mouvement des Réformes protestantes et de saluer en Luther, même imparfait et controversé, le théologien génial qui a remis en lumière le principe de la justification par la foi seule et le croyant courageux qui s’est pleinement soumis au témoignage de l’Écriture au prix de l’excommunication de l’Église qu’il avait toujours servie. Mais nous ne le faisons pour participer simplement à la fièvre commémorative qui agite notre temps ou par nostalgie d’un passé désormais révolu. Nous le faisons parce que nous trouvons dans l’exemple de ceux qui nous ont précédés une inspiration, un encouragement pour le présent.

 

L’Église, parce qu’elle est composée d’hommes et de femmes pécheurs, ne reste fidèle au Seigneur que si elle accepte de se réformer sans cesse, de corriger les écarts qui s’installent inexorablement entre ses traditions, ses inclinations, ses actions, sa prédication et l’Écriture Sainte. La réforme tient du renouveau quand l’Épouse s’est endormie et qu’une visitation de l’Esprit réveille son amour pour le Seigneur, ravive son zèle pour la mission et rafraîchit son adoration. Mais la réforme tient de la rupture quand l’Épouse s’est faite infidèle et a cédé aux péchés de l’idolâtrie, de l’hérésie ou de la corruption. La visitation de l’Esprit, tout aussi nécessaire, ne suscite plus seulement la joie du croyant assoupi, mais aussi les larmes du pécheur repenti. Et parce qu’elle est plus de l’ordre de la chirurgie qui nettoie que du soin qui cicatrise, elle provoque douleurs et conflits au sein du Corps de Christ. Ainsi il ne faut pas s’étonner que les dénonciations de Luther aient provoqué la division plutôt que la réformation d’une Église profondément corrompue. Au même titre que le coup de bistouri, la réforme est un mal nécessaire et même vital pour éviter la gangrène du corps tout entier.

 

Il nous faut même aller plus loin en affirmant que toute visitation de l’Esprit, tout renouveau de l’Église, tout retour à Dieu ne peut que susciter des réactions vives… et pas toutes enthousiastes ! J’apprends à mes dépens, à la tête du Conseil national des évangéliques de France, que même l’unité divise ! À gauche, à droite et même au centre, il ne manque pas d’esprits chagrins pour contester, jalouser, craindre ou minimiser l’œuvre de réconciliation qui a accompagné la naissance du CNEF et le travail d’unité qui préside à sa croissance. Il n’y a pourtant là rien de fondamentalement étonnant. Si, comme l’a clairement annoncé Jésus, le suivre provoque la division dans les familles (Mt 10.34-39), s’attacher plus fortement ou revenir à lui ne peut que susciter de vives tensions et oppositions au sein des Églises.

 

Ce n’est toutefois pas une raison suffisante pour renoncer à la nécessité de se réformer, toujours. Certes, notre époque, par préférence pour le cocooning maternant, répugne à entrer en conflit (bien qu’elle ne cesse de le nourrir en refusant les saines et utiles confrontations) et stigmatise volontiers celui ou celle qui porte une quelconque responsabilité en la matière. Il faut pourtant admettre, avec Henri Blocher, que l’Église d’aujourd’hui aurait bien besoin d’une nouvelle Réforme 2, d’un retour à l’Écriture trop souvent délaissée ou contournée dans bien des communautés. Qu’il plaise à Dieu d’inspirer à son peuple à une réforme profonde alors qu’il célèbre les 500 ans de la Réforme protestante !

 

 

 

  1. Titre du deuxième appendice à son « Exhortation à la paix en réponse aux douze Articles des paysans de Souabe » (1525) dans lequel il appelle les seigneurs à massacrer les révoltés.
  2. « 500 ans après, Henri Blocher en appelle à une nouvelle Réforme de l’Eglise », http://evangeliquesdubas-rhin.fr/communique/500-ans-apres-henri-blocher-en-appelle-a-une-nouvelle-reforme-de-leglise/, consulté le 10 avril 2017.

Etienne Lhermenault

Cahiers de l’Institut Biblique, n° 175, avril 2017