Le 2 Novembre 2023
UN PROGRAMME EXIGEANT POUR LE MINISTÈRE
La séance de clôture de l’année académique est chaque année un moment joyeux et solennel où nous remettons certificats et diplômes aux étudiants. Le 1er juillet 2023 ajoutait une note particulière avec le départ de Sylvain Romerowski à la retraite. C’est donc à lui que nous avons confié la prédication à destination des étudiants sortants, elle portait sur 1 Timothée 6.11-16. En voici une version quelque peu étayée.
Lorsque Paul écrit cette première lettre à Timothée, Timothée se trouve à Éphèse, dans la première moitié des années 60. Paul, après avoir été emprisonné à Rome puis libéré, était revenu à Éphèse car des enseignements déviants avaient été propagés parmi les chrétiens, des enseignements s’écartant de l’enseignement apostolique, et même contraires à l’enseignement apostolique. Il est possible que certains responsables de l’Église s’y soient laissé prendre. Paul était ensuite parti pour la Macédoine mais avait laissé Timothée sur place pour combattre les enseignements déviants, réfuter les erreurs, proclamer, exposer, enseigner la foi chrétienne authentique, apporter un enseignement sain.
Paul écrit cette lettre pour encourager Timothée, pour lui faire des recommandations concernant sa vie et son ministère, pour le soutenir et lui apporter son appui aussi devant l’Église, car la lettre est aussi pour l’Église, au-delà de Timothée. Voilà une quinzaine d’années que Timothée fait partie de l’équipe missionnaire de Paul. Il a déjà de l’expérience dans le ministère. Mais cette fois, il lui incombe d’accomplir une mission importante à Éphèse, en dehors de la présence de Paul et de ses compagnons. En quelque sorte, il vole de ses propres ailes. D’où cette lettre pour l’encourager, le soutenir, le guider. On y trouve donc des recommandations appropriées pour quelqu’un qui, comme Timothée, s’engage ou est engagé dans un ministère pastoral, ou autre.
Dans notre texte, Paul nomme Timothée « homme de Dieu ». Ce vocable provient de l’Ancien Testament où il était essentiellement utilisé pour des prophètes, des porte-parole de Dieu. Ici, Paul nomme Timothée « homme de Dieu » à cause du ministère particulier confié à celui-ci, et qui comporte d’ailleurs pour une grande part la prédication et l’enseignement. En le nommant « homme de Dieu », Paul rappelle à Timothée l’importance de son ministère particulier.
La première recommandation de Paul à Timothée est négative : il s’agit de fuir, c’est-à-dire de se garder d’un certain nombre de choses, d’éviter diverses attitudes, des comportements, des dispositions, ceux des mauvais enseignants. La section qui précède (v. 3-10) donne une idée de ce qui est visé : une mauvaise manière de penser, des idées fausses (v. 3) ; l’orgueil (v. 4) ; les discussions et controverses sur des sujets sans intérêts, qui ne mènent à rien, sinon à des querelles (v. 4-5a) ; puis le désir d’argent (v. 5b). Les mauvais enseignants manifestaient de tels travers. Timothée doit s’en garder, fuir même cela.
Cultiver de bonnes dispositions
On ne se débarrasse que de ce que l’on remplace. Pour éviter de tomber dans ces travers, il est nécessaire d’adopter autre chose à la place, de cultiver de bonnes dispositions, certaines qualités, d’adopter de bons comportements, de bonnes manières d’agir. Timothée est invité à les rechercher ardemment, ce qui implique d’y mettre du sien, d’être tendu vers cet objectif, de le garder en ligne de mire, de faire des efforts pour.
D’abord la droiture : la rectitude du comportement, l’intégrité. Il s’agit d’être honnête, donc de se garder de l’amour de l’argent, de gérer les questions d’argent sans tricher pour s’enrichir de manière indue, sans profiter de sa position pour s’approprier ce qui appartient à l’Église. Paul a le souci que ceux qui exercent un ministère au service de l’Église soient rémunérés décemment (5.17) et l’Église a une responsabilité à cet égard. Mais le serviteur rémunéré par l’Église, ne doit pas considérer son ministère comme un moyen de s’enrichir et doit cultiver le contentement. La droiture doit aussi caractériser ses paroles dans la vie de tous les jours : il s’agit d’être fiable en paroles. C’est aussi adopter une attitude convenable envers autrui, et notamment envers les personnes du sexe opposé (5.2). Plusieurs pasteurs, responsables d’Église, missionnaires… sont tombés dans ce domaine et ont ruiné leur ministère. La droiture consiste aussi à être juste envers autrui, à ne pas agir au détriment d’autrui, à ne pas léser autrui, à ne pas favoriser certains, par exemple ceux qui sont plus riches, ou les plus gros donateurs ; c’est encore se garder de la médisance, de la calomnie. Pour reprendre une expression de Paul ailleurs, c’est agir en toutes choses en veillant à conserver une bonne conscience.
Paul recommande ensuite la piété. La piété concerne notre relation avec Dieu. Il s’agit de cultiver cette relation. Cela passe d’abord par l’écoute de Dieu, qui nous parle aujourd’hui par l’Écriture. Une fréquentation assidue des Écritures est donc essentielle pour la vie chrétienne, et à plus forte raison pour le ministère. Il est crucial que celui qui exerce un ministère au service de l’Église passe du temps, régulièrement, à lire la Bible pour entretenir sa connaissance biblique, mais aussi à méditer les textes, et à étudier la Bible.
Notre relation avec Dieu s’entretient aussi par la prière. Dans la première Église, à Jérusalem, les apôtres ont délégué des responsabilités matérielles à d’autres, pour pouvoir se consacrer à la prière et au ministère de la parole (Ac 6.4). Le pasteur Thierry Huser a dit une fois : « Un pasteur, c’est quelqu’un qui est payé pour prier, payé pour prier pour les membres de son Église pendant que ceux-ci vaquent à leurs occupations professionnelles ». Prier pour soi-même, pour sa famille, pour les membres de l’Église, pour la vie de l’Église, pour son ministère.
La Bible du Semeur a ensuite traduit fidélité, mais il vaut mieux traduire, et c’est l’avis de la majorité des commentateurs, par foi. Il s’agit d’abord de faire confiance à Dieu pour nos besoins, d’avoir foi qu’il prendra soin de nous. Mais aussi, au bout d’un certain temps dans le ministère, on peut céder à la tentation de compter sur son expérience, ses connaissances, son savoir faire, sa débrouillardise et oublier que l’on dépend de Dieu. Il est important de prier pour son ministère, pour ses activités. Il s’agit aussi de prendre en compte que tout ne dépend pas du pasteur dans l’Église, du missionnaire sur le champ de mission ou de celui qui est à la tâche dans une œuvre, de se garder de tout prendre sur soi, mais de faire confiance à Dieu, à son œuvre dans l’Église, par l’Église, son œuvre dans les membres de l’Église et par eux. C’est croire que Dieu peut faire bouger les choses qui ont du mal à bouger. C’est aussi avoir confiance qu’il se sert de notre action pour faire avancer les choses, et donc que notre activité ne sera pas inutile. Et c’est en même temps aussi lui faire confiance pour ce devant quoi nous sommes impuissants. On a besoin de foi pour s’engager dans le ministère, foi que Dieu va agir, va se servir de nous, ou va agir sans nous là où nous ne pouvons rien. C’est encore lui faire confiance lorsque surviennent les difficultés, les déceptions, les échecs, les épreuves ; quand les choses ne se passent pas comme il serait souhaitable. On a besoin de foi pour s’engager dans le ministère et pour vivre le ministère. Faire confiance à Dieu ne se fait pas toujours tout seul ; il faut le vouloir.
La confiance en Dieu permettra de persévérer. Paul parle bien de persévérance. Il en faut de la persévérance pour ne pas abandonner, ne pas baisser les bras face aux difficultés, ou dans l’épreuve. Persévérer malgré les échecs, malgré les déceptions, malgré les choses qui tardent à bouger, malgré les membres de l’Église ou autres personnes auprès de qui nous œuvrons qui semblent ne pas vouloir avancer ou changer. Persévérer quand Dieu n’agit pas comme on souhaiterait qu’il le fasse. Persévérer, ce n’est cependant pas s’entêter dans une ligne d’action qui ne marche pas ou qui ne convient pas. Il faut s’avoir adapter sa manière de faire et son action aux circonstances et aux possibilités qu’elles offrent.
Et je reviens sur la foi. Persévérance et foi soit étroitement liées. Je ne peux persévérer que dans la mesure où je fais confiance à Dieu. Si je ne fais pas confiance à Dieu, je ne serai pas encouragé et motivé à persévérer. C’est dans la mesure où j’ai confiance en Dieu pour faire bouger les choses ou pour se servir de mon action que je peux persévérer.
Entre la foi et la persévérance, Paul mentionne l’amour. Un piège consiste à se polariser sur ses activités, sur ses responsabilités, sur son devoir, et négliger la motivation pour laquelle nous devons faire tout ce que nous faisons : l’amour. C’est ce que le Seigneur reprochera à l’Église d’Éphèse d’avoir négligé, dans l’Apocalypse. L’amour pour Dieu d’abord. Le danger est ici d’oublier la personne pour laquelle nous œuvrons, Dieu. Et l’on revient alors à la nécessité de cultiver sa relation avec Dieu. Pour aimer Dieu, nous avons parfois simplement besoin de retrouver l’amour de Dieu pour nous, de nous laisser aimer par Dieu, et il est bon de méditer sur l’amour de Dieu et sur ses œuvres et son action en notre faveur qui manifestent cet amour. L’amour répond à l’amour. Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier. D’où la nécessité de nous laisser aimer par Dieu pour l’aimer en retour. Puis l’amour aussi pour les membres de l’Église et les personnes extérieures ; ou les personnes auprès desquelles nous œuvrons. C’est l’amour qui doit motiver, orienter, déterminer notre action, nos activités. L’amour est service d’autrui, recherche du bien d’autrui, réponse aux besoins d’autrui. Le ministère doit donc être mené en fonction de cela. Et pour connaître les besoins des autres, en particulier des membres de l’Église, ou de ceux auprès de qui nous œuvrons, il est important de connaître ces personnes et de cultiver la relation avec elles. À cet égard, les visites sont d’extrême importance. Une bonne partie du ministère pastoral s’effectue au cours des visites ou des entretiens avec les membres. Il est hautement souhaitable que chaque membre, chaque famille soient visités ou aient un entretien avec le pasteur ou avec un responsable de l’Église, au moins une fois par an (et ce n’est pas beaucoup), outre ceux qui nécessitent un suivi plus fréquent. Cependant, lorsqu’on parle du bien des membres de l’Église, de leurs besoins, il s’agit du bien et des besoins tels que l’Écriture les définit. Et par conséquent, il ne s’agit pas d’accéder à tous les désirs des membres de l’Église, ni de répondre à toutes leurs attentes, ou à tous les besoins qu’ils croient ressentir, mais à ceux qui correspondent à l’enseignement biblique. Aimer, cela sera aussi parfois aller à contre courant, pour le bien véritable des personnes.
Tout en faisant preuve d’amabilité, de gentillesse. Cela nécessitera de la patience envers les personnes qui pourraient nous fatiguer, nous énerver. Amabilité lorsqu’il s’agit d’exprimer un désaccord, ou de reprendre une personne, ou encore d’affirmer une vérité biblique négligée. Il s’agit alors de défendre la vérité biblique, ou de dire ce qui nous est demandé dans l’Écriture, sans être abrupt ou cassant.
Le bon combat de la foi
Après cette liste de bonnes dispositions, attitudes, manières d’être et d’agir, et de relations à cultiver, Paul exhorte Timothée au combat. Car il y a bien un combat à mener. Et qui dit combat dit adversaires, avec lesquels, on vient de le voir, il faudra faire malgré tout preuve d’amabilité et d’amour. Qui dit combat dit quelque chose d’astreignant, qui coûte, qui demande qu’on s’y engage à fond, qu’on fasse des efforts. C’est d’un bon combat que Paul parle, donc un combat qui vaut la peine d’être mené et qui produira de bons résultats. Paul écrit : combats le bon combat de la foi.